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Jean Pierre Biyiti Bi Essam ; “ La procédure judiciaire contre moi n’est pas encore déclenchée ”

Jean Pierre Biyiti Bi Essam, ministre de la Communication

Le ministre de la Communication, Jean Pierre Biyiti Bi Essam est au-devant de l’actualité depuis la récente visite du Pape Benoît XVI au Cameroun du 17 au 20 mars dernier. Après plusieurs articles parus dans la presse dévoilant une gestion peu orthodoxe des fonds alloués par la présidence de la République pour la couverture médiatique de ce grand événement, il a été entendu jeudi dernier chez le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Yaoundé. Il déférait ainsi à une convocation de la police judiciaire. Son audition aurait duré trois bonnes heures d’horloge. Il était appelé à répondre de la gestion de ces fonds, dont une partie, 130 millions Fcfa, a été virée dans son compte personnel à la Société générale des Banques du Cameroun. Ce qui est interdit par la loi. Du coup, des soupçons de détournement pèsent sur le Mincom, et certains de ses collaborateurs qui sont intervenus dans cette opération. Beaucoup parmi eux ont également été entendus à la police judiciaire, où ils ont été appelés à expliquer cet acte qualifié de délictuel. Mais pour Jean Pierre Biyiti Bi Essam, que nous avons rencontré hier, à sa résidence du Camp Sic Mendong, il s’agit juste d’une faute de gestion. Il attribue la cabale actuelle à ses détracteurs qui seraient opposés à sa gestion par trop rigoureuse des activités du ministère. Il évoque le climat actuel au Mincom, lève un pan de voile sur sa personne. De même qu’il résume sa feuille de route pour 2009, qu’il entend réaliser si le chef de l’Etat lui renouvelle sa haute confiance, en dépit du mauvais vent qui souffle autour de lui actuellement.

Monsieur le ministre, vous habitez le camp Sic Mendong, dans un cadre étroit et modeste. Est-ce digne d’une République ?
Il n’y a pas de mal à cela. Je suis arrivé ici il y a une vingtaine d’années. Et je me plais toujours à dire que lorsqu’il y’aura un maire à Mendong, je serai le premier à l’être. Je suis arrivé ici en 1990. Il n’y avait pas encore grand monde dans ce quartier. Dans le grand immeuble d’en face, il n’y avait même pas un chat. Votre question se pose effectivement par d’autres personnes. Deux semaines après mon entrée au gouvernement, on a dit à mon épouse à la sortie du culte qu’on a appris que nous habitons déjà Bastos. Mon épouse a rassuré son interlocuteur, en lui disant que nous sommes toujours à Mendong. Je n’ai pas voulu que ma fonction de ministre me change. J’ai gardé tous mes numéros de téléphone. Je ne peux pas fuir le peuple. Au contraire, je dois rester parmi ce peuple pour le sentir. Parce que je suis à son service.

Vous êtes au devant de la scène à cause d’une affaire de gestion des fonds alloués par la présidence de la République pour la couverture médiatique de la récente visite du Pape au Cameroun. Il y a eu beaucoup de contradictions et de polémiques sur le montant total de ces fonds. Quelle était la somme exacte de l’enveloppe reçue par vos services et quel usage en avez-vous fait ?
Je ne sais pas pourquoi on tient compte de tous ces montants que des gens non qualifiés balancent dans la presse depuis si longtemps. La première fois que la question m’a été posée, c’était au cours d’une émission à Canal 2, lorsque j’étais en tournée à Douala. J’ai dit et je le répète, que le chef de l’Etat a ordonné le déblocage de 770 (sept cent soixante dix) millions Fcfa pour la préparation de la couverture de la visite du Pape au Cameroun. Cet argent est parvenu en quatre tranches au ministre de la Communication que je suis, et qui devait le répartir. La première tranche est arrivée jeudi 26 février 2009 en milieu d’après-midi. C’était 250 millions Fcfa, qui me sont arrivés dans un sac porté par deux ou trois gaillards. La deuxième tranche, toujours de 250 millions Fcfa, est arrivée le lendemain. La troisième tranche, 200 millions Fcfa, est arrivée le 4 mars 2009. La quatrième et dernière tranche, exclusivement consacrée à la location des écrans géants, est arrivée une semaine avant l’arrivée du Pape. C’est-à-dire le 10 mars. Elle était de 70 millions Fcfa. Lorsqu’on fait le total, on est à 770 Fcfa millions.

Comment avez-vous réparti cet argent ?
La Crtv a reçu 450 millions Fcfa. La Camtel qui devait nous aider au niveau de l’apport de la fibre optique a reçu 140 millions Fcfa. La Sopecam, société éditrice de Cameroon Tribune, a reçu 40 millions Fcfa. Le ministère de la Communication a reçu 140 millions Fcfa dont les 70 millions Fcfa que je signalais tout à l’heure, et qui constitue la cagnotte réservée à la location des écrans géants. Voilà, il n’y a pas d’autre vérité. La vérité de ce chiffre ne peut sortir que de ma bouche. Je l’ai déjà sortie mille et une fois, mais on revient toujours sur la même question.

On constate que la presse dite privée n’a rien reçu de ces fonds pourtant destinés à la couverture médiatique de la visite papale. Doit-on comprendre que cette presse n’est pas prise en considération par celui qui a ordonné le déblocage de cette allocation spéciale, et par vous-même, ministre de la Communication ?
Ce qui a été fait avec ces fonds a servi aussi bien à la presse à capitaux privés qu’à la presse à capitaux publics. Le centre de presse public n’était pas interdit à la presse privée. Au contraire ! Le dîner de presse était ouvert à tous les médias. Je dirai même que le Cameroun tout entier en a profité. J’entends certaines langues dire que la visite du Pape nous a coûté trop cher. Quand vous recevez quelqu’un, vous faîtes quand même attention. Vous voyez si vous n’avez pas des verres dépareillés, etc. Et quand vous achetez ces verres, votre invité ne va pas les emporter avec lui à la fin de la visite. Ça reste votre patrimoine.

Revenons en aux médias à capitaux privés qui ont été lésés dans votre répartition. Pourquoi n’ont-ils pas aussi bénéficié de l’argent en espèces, au même titre que les médias à capitaux publics, pour assurer une couverture optimale de cet événement d’envergure ? Pensez-vous qu’ils n’en avaient pas besoin ?
Ce que je dois vous dire, c’est que à cette époque, nous avions beaucoup de mal déjà…Vous vous rendez compte que c’est le 26 février que la première tranche est arrivée. Cela se passe un mois de février d’une année qui n’est pas bissextile. C’est-à-dire que ce mois n’a que 28 jours. Donc, on était très en retard. Cela dit, j’ai déjà fait mon mea culpa à la presse à capitaux privés, en lui expliquant que dans quelques jours, nous allons encore distribuer l’aide à la presse privée. J’ai mis la pression sur mes collaborateurs pour mettre en route ce dossier-là.

On aimerait quand même savoir si vous avez tenu compte des besoins de cette presse privée dans le budget de couverture que vous avez soumis à la présidence de la République et qui a abouti au déblocage des fonds querellés.
Absolument. Mais ce que j’ai demandé, je ne l’ai pas obtenu. En plus, ce que j’ai reçu est arrivé, au compte goutte, à la dernière minute.

Si ce n’est pas indiscret, peut-on savoir combien vous avez demandé pour la couverture médiatique de la visite papale, et quelle proportion vous entendiez réserver aux médias à capitaux privés ?
J’ai demandé un milliard Fcfa. S’agissant de la part de la presse privée, je dirais que ce débat est derrière nous et il serait inutile d’en reparler. Nous en tirons toutes les leçons possibles. Regardons devant nous. Mais je dis à la presse publique et privée que je suis votre tuteur. J’ai aussi des griefs vis-à-vis de vous. La façon dont vous me traitez ne montre pas que vous me considérez comme votre tuteur. Vous me traitez avec une brutalité inimaginable. Jamais dans ce pays, je n’ai vu une campagne de presse de cette nature contre un ministre en exercice. Et c’est votre ministre que vous jetez en pâture comme ça, pour des faits non avérés.

Il se trouve pourtant que vous avez fait déposer 130 millions des 140 millions Fcfa que vous avez réservés au ministère de la Communication dans votre compte personnel à la Sgbc. Ce qui est condamné par la loi. D’où le soupçon de détournement de fonds publics qui pèse sur vous. Comment en êtes-vous arrivé là ?
Je vous refais le film de l’opération. Nous sommes le 26 février 2009. Dans la matinée, je participe à un Conseil de cabinet présidé par le Premier ministre, chef du gouvernement. Le principal sujet à l’ordre du jour, c’est l’insécurité dans les édifices publics. A cette époque, on venait d’assister au cambriolage opéré à la Délégation générale à la Sûreté nationale, qui est un édifice gardé par la police. On venait aussi d’assister à un cambriolage au ministère de la Défense. Et le gouvernement s’est donc réuni autour de ces problèmes d’insécurité dans les édifices publics. Dans l’après-midi de ce jour-là, j’attendais un chéquier du trésor, avec lequel je devais tirer des chèques à remettre aux différents acteurs, les médias publics, Camtel et autres. Au lieu de ce chéquier du trésor, c’est un sac d’argent contenant 250 millions Fcfa, que trois gaillards font entrer dans mon bureau. Nous sommes en fin d’après-midi du jeudi, 26 février 2009. Qu’est-ce que je fais ? J’appelle ceux qui ont une part dans cet argent, c’est-à-dire, la Crtv, la Camtel et la Sopecam, de venir rapidement. Cet argent n’a pas séjourné plus de 30 minutes dans mon bureau. J’ai d’ailleurs demandé à mes collaborateurs qui me l’ont apporté, si on les a vus entrer dans mon bureau avec un sac aussi gros. A titre anecdotique, le ministre délégué aux Finances m’a passé un coup de fil pour s’assurer que cet argent m’est parvenu. Puis il m’a dit : “ Tu vois donc que, quand les gens disent qu’on a mis un milliard dans la malle arrière d’une voiture, ce n’est pas tout à fait ça ”. Ça dit ce que ça dit. Mais moi, je suis paniqué, dans le contexte que je vous ai décrit, par tant d’argent dans mon bureau. Ma volonté est de faire sortir cet argent rapidement, et de le sécuriser. Pour la partie de cet argent qui doit être gérée par le ministère de la Communication, je me demande où je dois la garder. J’appelle mon banquier, qui s’appelle M. Hamidou. C’est le responsable adjoint de la Sgbc Marché. Chacun peut aller le voir pour vérifier mes déclarations. Je lui ai dit de me trouver un coffre-fort avec deux clés, dont l’une pour mon Dag, et l’autre pour eux là-bas à la banque. Ainsi, on pourra sécuriser les 70 millions Fcfa qu’on venait de m’apporter. Il me répond que la Sgbc n’offre pas ce service-là. Cette banque a l’avantage de se situer non loin de mon cabinet ministériel. Il me propose de mettre cet argent dans mon compte bancaire, à condition que je lui en dise l’origine et la destination. Là, il est question d’en apporter les justificatifs.

En dehors de votre compte personnel, n’y avait-il pas possibilité de virer cet argent dans un compte neutre, à défaut de celui du ministère de la Communication?
J’en profite pour rappeler aux Camerounais que depuis 2005, il est interdit aux départements ministériels d’ouvrir des comptes dans les banques commerciales. Je suis bien placé pour le savoir parce que j’étais secrétaire général de ministère à cette époque-là. Alors, où diable voulait-on que j’aille mettre cet argent-là ? Si je voulais le détourner, je serais allé cacher cet argent chez moi au village. Est-ce que la seule façon de détourner de l’argent, c’est d’aller le mettre à la banque ? Et, ce n’est même pas moi qui ai effectué cette opération. J’ai envoyé mon directeur des affaires générales, madame Ndzié Chantal qui s’occupe des affaires financières. A ce moment-là, la difficulté que j’ai est la suivante : la lettre qui accompagne cet argent n’est pas encore dans mes services. Je le fais savoir au banquier qui me répond que je justifierai plus tard. Je lui dis, je te donne ma parole d’honneur, que c’est de l’argent qui va servir au Pape. La mention qui est mise sur le bordereau de versement, c’est “ versement par lui-même ”. Pourquoi ? Parce qu’il sait que je vais justifier, mais je ne l’ai pas encore fait. Le seul patron du banquier, c’est Thomas. Il veut voir de ses yeux les justificatifs avant de mettre autre chose. Et quand vous voyez le deuxième versement [60 millions de Cfa, Ndlr] qui intervient le 10 mars, il est mentionné “ versement pour l’arrivée du Pape ”. C’est écrit. Je vais le publier. D’ailleurs, j’ai décidé de publier mes relevés bancaires. Les gens cassent la tête aux Camerounais pour une affaire qui n’en est pas une.

Ce qui suscite tous ces commentaires, c’est déjà le fait de mettre de l’argent public dans un compte privé. C’est un délit !
J’ai mis de l’argent public dans un compte privé ? Oui ! Mais cet argent public dans mon compte privé porte la marque péremptoire que c’est de l’argent public, parce que c’est écrit, “ versement pour l’arrivée du Pape ”. Ça veut dire quoi ? S’il arrivait que je meure ce jour-là, mes ayants-droit n’auraient pas pu récupérer cet argent. Ils auraient eu à en expliquer la provenance.

Cet argument n’est pas valable pour la première partie du versement qui portait provisoirement la mention “ versement par moi-même ” !
Pas du tout ! Parce que j’avais promis les justificatifs au banquier qui les attendait. Depuis un certain nombre d’années, il est impossible de mettre plus de 5 millions Fcfa à la banque sans en justifier l’origine. Donc, le banquier savait que je venais avec les justificatifs. Et, verbalement, je lui avais déjà dit d’où venait cet argent et à quoi cela allait servir.

Peut-on savoir comment vous avez utilisé ces 130 millions Fcfa virés dans votre compte ?
J’ai le compte d’emploi que vous pouvez consulter si vous le voulez.

Avec pratiquement la moitié de cet argent, vous aurez accordé un marché de livraison des écrans géants à une société gabonaise. Mais pour beaucoup, il s’agirait d’une société fictive. Car, dans le même temps, une société camerounaise affirme avoir gagné ce marché, pour un montant dérisoire ; très en deçà de la somme qui est avancée par vos collaborateurs, qui auraient fait de la surfacturation, avec votre complicité. Qui a finalement gagné le marché des écrans géants et pour quel montant ?
J’ai lu dans un journal la photocopie d’une facture, d’une certaine société de droit camerounais [Gic Afric Images, dirigé par un Camerounais du nom de Joël Ewonde, Ndlr]. Cela n’a rien à y voir. Là également, je vais publier mes correspondances avec ma hiérarchie, relatives à ces écrans géants. Vous verrez que le 7 mars 2009, j’ai écrit à ma hiérarchie pour lui faire part des négociations avec la firme allemande CI Vidéo Rental Gmbh, qui est prête à nous placer deux écrans géants contre 350 912 000 Fcfa. Je trouve le chiffre assez fort. Mais, c’est la dernière proposition des Allemands. Quelques jours après, par l’entremise de l’une de mes connaissances, l’artiste Seba Georges (maintenant, je suis prêt à me dévêtir, parce que les gens disent trop de bêtises sur Biyiti), me dit qu’à Libreville, il y a une société qui fait dans la location de la sonorisation et des écrans géants. Je vais t’aider à entrer en contact avec eux. Et il appelle effectivement un monsieur Manyanga avec qui j’entre en contact. Et ce monsieur Manyanga me dit qu’il peut me fournir 4 écrans géants à 70 millions Fcfa tout compris, et même le transport par avion. Nous sommes à une semaine de l’arrivée du Pape. Il faut faire vite. Les gens ne se représentent pas le contexte dans l’obligation de résultat. C’est la guerre. Je dois la gagner. J’écris donc à ma hiérarchie le 9 mars pour lui présenter cette proposition qui vient du Gabon, et qui est très abordable. D’autant plus que le Gabon n’est pas très loin, par rapport aux écrans qui viendraient d’Allemagne. Et M. Manyanga exige 50% de son dû pour s’engager. L’argent est disponible dans mon compte. Je consulte mon banquier pour lui faire un transfert d’argent. Il me présente les formalités à remplir et je constate que je ne peux pas y arriver. Monsieur Manyanga est disposé à venir chercher son argent ici au Cameroun. Mais les 50% qu’il exige, représentent 35 millions Fcfa, c’est beaucoup d’argent. J’appelle l’ambassadeur du Cameroun au Gabon, qui me déconseille cette démarche consistant à donner de l’argent à quelqu’un dont je ne connais pas la société. Il me demande de mettre un de mes collaborateurs en mission au Gabon pour voir sur place ce que fait cette société. J’envisage donc une opération kamikaze. C’est-à-dire, on prend de l’argent dans un sac, on apporte ça chez ces gens là ; ils nous mettent les écrans géants dans l’avion et on en finit.

Le collaborateur que vous choisissez pour cette mission n’aurait pas le profil, selon certains cadres de votre ministère, qui estiment que vous avez fait confiance à quelqu’un que vous pouvez facilement manipuler et embarquer dans des transactions pas transparentes. Qu’en dites-vous ?
Quand l’ambassadeur me demande de lui donner le nom de mon collaborateur qui arrive au Gabon pour cette mission-là, je pense d’abord à Monsieur Kaptché Simo, qui est le chef de service du budget, et donc, habitué aux affaires d’argent. Mais celui-ci n’a pas de passeport. J’ai un autre collaborateur, un gars très sérieux, Coco Simo à qui je confie cette mission, puisqu’il a un passeport valide. Pour faire vite, l’ambassadeur du Cameroun au Gabon lui achète un billet d’avion en prépaid. Quant à moi, je vais prendre 35 millions Fcfa à la banque. On peut suivre ça à la trace sur mon compte bancaire. Etant donné que ce voyage n’était pas prévu dans le budget, je demande à mon directeur des affaires générales de prendre sur une caisse d’avance, je crois de la médiascopie, 500 mille Fcfa et de les donner à M. Coco comme frais de mission ; de lui remettre ensuite 240 mille Fcfa pour le remboursement du billet d’avion à l’ambassadeur du Cameroun à Libreville ; de donner 100 mille Fcfa à mon chauffeur parce que j’ai mis ma propre voiture en route ; de donner 100 mille Fcfa à mon garde de corps. Tout cela constitue les frais de missions et j’y ajoute les frais de risques. Je lui demande aussi de débloquer 60 mille Fcfa comme forfait carburant. C’est ainsi que dans la soirée, la voiture prend la route de Douala où le départ du vol était prévu. Et quelques jours après, les écrans géants étaient débarqués à l’aéroport. Ensuite, j’ai délivré 14 accréditations aux techniciens gabonais conduits par M. Manyanga lui-même. J’ai demandé ces accréditations le 14 mars 2009 à ma hiérarchie, pour qu’ils puissent faire sereinement leur travail qui s’est achevé le 20 mars 2009. Ce jour là, M. Manyanga a perçu son reliquat de 35 millions Fcfa. Lors de la décharge, j’exige qu’il me laisse la photocopie de son passeport. Ce qu’il fait. Voilà donc comment j’ai géré cet argent. Mais à écouter ce qu’on raconte à propos, je n’en crois pas mes oreilles.

Vous avez été auditionné par le directeur de la police judiciaire à Yaoundé et par le procureur de la République près le tribunal de grande instance du Mfoundi. Que vous reproche-t-on ?
On me demande pourquoi j’ai mis de l’argent public dans un compte privé. Et j’explique. C’est la principale question jusque-là. Mais je voudrais retourner cette question à mes accusateurs, dites-moi où je devais mettre cet argent ? Vous vouliez que je mette cet argent chez moi à Mendong, qui n’est pas suffisamment gardé, pour qu’on vienne trucider mes enfants avant de le voler ? Dans ce cas, on aurait même dit que j’ai détourné de l’argent en simulant un coup de vol. Au ministère où je n’ai pas de coffre-fort, ce n’était pas prudent non plus, dans un contexte d’insécurité généralisée des édifices publics. Moi je suis ministre. C’est-à-dire, je prends mes responsabilités. Et si le chef de l’Etat avait pensé que j’étais une mauviette, il ne m’aurait pas mis là. J’ai pris ma décision. Je pense que c’est celle que je devais prendre à ce moment-là. La seule question qui vaille aujourd’hui la peine d’être posée, c’est de savoir, qu’est-ce que Biyiti a fait de cet argent ?

Pouvez-vous parier que le solde de votre compte avant le virement des fonds publics est resté le même après le départ du Pape ? N’y avez-vous pas retenu une somme pour vous-même. Autrement dit, pouvez-vous affirmer que vous n’avez pas porté le doigt à la bouche en gérant ces fonds ?
Cet argent est entré dans mon compte et en est ressorti dans un intervalle de trois semaines. J’ai 4 comptes bancaires. J’en publie les numéros demain (ce lundi 27 avril 2009). Dans les quatre comptes bancaires, il y avait dix millions cent trente-deux mille six cent vingt cinq (10 132 625) Fcfa. Après le départ du pape, il y avait dans ces comptes 10 306 020 francs Cfa (dix millions trois cent six mille vingt). Le Pape ne m’a pas enrichi. Il n’y a aucun argent que j’ai distrait. Je vais même vous faire une confidence. Seuls ma femme, mon garde de corps et mon chauffeur savent que du 14 au 18 mars 2009, j’ai pris une chambre au Hilton à mes frais pour être plus prêt des théâtres où j’avais à travailler, du centre de presse au Bois Sainte Anastasie en passant par mon bureau. J’ai demandé au Hilton de me produire la facture. Elle est de six cent trente-quatre mille (634 000) Fcfa. Je l’ai et je vais la publier. Le jour où j’avais constaté que la sonorisation de la Crtv qu’on est allée acheter en Italie est déjà là, j’étais tellement content que j’ai donné 70 000 Fcfa aux techniciens qui essayaient ces équipements à la Crtv. C’était un samedi. Dois-je mettre cet argent dans les dépenses publiques liées à la couverture de la visite du Pape ? Je suis le ministre de la Communication. Je peux faire des choses. Je n’attends pas l’argent du Pape pour agir. Le chef de l’Etat me donne un budget de six milliards Fcfa que je gère rigoureusement. Est-ce compréhensible que j’attende l’argent du Pape pour me remplir les poches comme certains le prétendent ? Les gens sont entrain de monter de toutes pièces une machination grossière.

Certains de vos collaborateurs que nous avons rencontrés avant cet entretien disent que vous êtes très zélé et que vous les traitez avec du mépris. Est-ce un jugement trop dur ? Vous-y reconnaissez-vous ?
Dans le zèle oui ! Mais, le mépris, non ! Trois fois non !!! Je suis un homme qui respecte les autres. Vous avez sélectionné les personnes vers qui vous diriger. Je crois qu’il y en a d’autres aussi qui apprécient ce que je fais à sa juste valeur. Ils sont contents de la décision que j’ai prise [les récentes nominations au Mincom, Ndlr]. Mais devant leurs chefs, ils n’osent pas se prononcer. J’aime que les choses avancent. Je suis aussi pour l’équité, la justice.

Il se dit que vous avez tiré un ancien cadre du ministère de sa retraite pour venir gérer ces fonds destinés à la couverture médiatique de la visite du Pape, alors qu’au ministère il y a bien des personnes compétentes pour cela. Qu’en est-il exactement ?
Voilà un exemple patent de la désinformation qui sévit au ministère. Avant que je n’arrive au ministère de la Communication, il avait été nommé par mes prédécesseurs, directeur des médias privés et de la publicité. L’année dernière, il a été atteint par la limite d’âge. Il n’est pas seul dans ce cas. D’autres directeurs dans les services centraux et dans les centres de presse sont atteints par la limite d’âge. J’ai fait des propositions pour le remplacement de tous les collaborateurs atteints par la limite d’âge. Ces propositions de nomination ont été transmises le 5 janvier 2009 dans les services du Premier ministre pour visa. Je peux vous dire que, s’agissant des décrets, c’est le Premier ministre qui les signe. Avant de le faire, il les envoie pour visa à la Présidence. En ce qui concerne les textes que je suis habileté à signer, les services du Premier ministre mettent un visa et me les renvoient. C’est le cas pas exemple des arrêtés de nomination des directeurs et des chefs de service. Et ces arrêtés qui ont déjà reçu le visa des services du Premier ministre ont été publiés, dans l’attente de la signature des autres textes. Vous vous rappelez qu’il y a quelques semaines, votre journal a titré à la Une : “ Les nominations de Biyiti Bi Essam rejetées à la présidence de la République ”. Je ne le savais pas. Je sais que c’est encore à l’étude là-bas. Je n’ai donc pas ressuscité Mvotto Obonou. Mais je voudrais que l’on retienne qu’il n’est pas le seul directeur des services centraux atteint par la limite d’âge. Seulement, le décret présidentiel devant le remplacer est encore attendu. On a d’ailleurs dit que c’est lui qui a géré les fonds du Pape. Lorsque vous regardez la répartition qui en a été faite, où apparaît le nom de ce monsieur ?

Comment appréciez-vous la procédure judiciaire en cours contre vous ?
Elle est prématurée. Voilà ce que je dirais tout simplement. D’ailleurs, la procédure judiciaire n’est pas encore déclenchée. Actuellement, on est encore dans les auditions et les enquêtes préliminaires au niveau de la police judiciaire.

Vous étiez déjà devant le procureur. A votre avis, qu’est-ce qui a manqué jusqu’ici dans la mise en place de ce feuilleton. Croyez-vous qu’il s’agit d’une judiciarisation précoce d’une affaire qui aurait due être d’abord administrative ?
Je ne suis pas juriste. Mais en toute logique, j’aurais imaginé que mes patrons me servent une demande d’explications, en me demandant pourquoi j’ai mis de l’argent public dans un compte privé. Je leur aurais expliqué ce qui s’est passé, comme je viens de le faire avec vous, et ils auraient décidé de la suite à donner à cette affaire, qui, de mon point de vue, est une faute administrative. C’est une faute de gestion qui, en aucun cas, ne peut être assimilé à un délit ou à une intention délictuelle. Si la loi dit qu’il ne faille pas mettre de l’argent public dans un compte privé, vous savez qu’il y a la loi, mais il y a aussi l’esprit de cette loi. Et là, l’esprit de cette loi, c’est que cet argent doit être conservé pour servir l’intérêt public. Et je démontre que c’est ce que j’ai fait. On se croirait dans une comédie de Molière où on se trouve à expliquer une histoire où on n’a mis que sa bonne volonté.

Vous parlez d’une machination. Selon vous, que vous reprocheraient vos détracteurs, si vous en avez, tels que vous le laissez croire ?
On me reproche beaucoup de choses. D’aucuns trouvent que je suis trop rigoureux. Je vais vous raconter une anecdote. Quand je suis arrivé au ministère de la Communication en septembre 2007, nous étions en fin d’exercice budgétaire. J’ai pris la décision de responsabiliser tous mes directeurs. J’ai donné la signature comme on dit, à tous mes directeurs. En général, on n’a pas le souci du résultat dans les services publics. Or, je suis quelqu’un qui a le souci du résultat. A la fin de l’année, je les ai appelés, pour leur demander ce qu’ils ont fait de la signature que je leur ai déléguée. Il n’y avait pas de résultats. Je m’en fous de la gloire. J’ai été nommé par décret du chef de l’Etat. Je leur ai retiré cette signature. Ce qui n’a pas été du goût de beaucoup.

Quel est votre état d’esprit après votre audition durant plus de 3 heures de temps à la direction de la police judiciaire, et ensuite, chez le procureur ?
Je suis toujours à rechercher le crime que j’ai commis. Si le chef de l’Etat conserve la haute confiance qu’il a placée en moi, je serai encore là, et présent à mon bureau aux mêmes jours et heures que d’habitude.

Vous êtes visiblement ébranlé par cette affaire. Pourtant nous avons lu dans un journal de la place que vous étiez serein, malgré tout. Le journaliste reprenait vos propos !
Tout à fait, je suis serein. Je n’ai tué personne. J’ai peut-être commis une faute de gestion en allant mettre de l’argent public dans un compte privé. Mais j’ai expliqué ce que j’ai fait de cet argent, et les gens ont vu les résultats. Je suis serein. Maintenant, il faut reconnaître que je suis justiciable. Et si la Justice de mon pays estime que j’ai commis un délit, je suis là. Je suis un citoyen ordinaire.

Pas tout à fait, monsieur le ministre. Vous avez une dizaine de téléphones portables pour vous tout seul. C’est assez extraordinaire ça ! Est-ce un signe extérieur de richesse ?
J’ai été secrétaire général du ministère des Postes et télécommunications, et de temps en temps, les opérateurs de téléphonie m’en offraient. Ce n’est pas un signe extérieur de richesse. C’est simplement que j’aime ça.

Vous auriez pu en offrir à votre tour, pour éviter d’être encombré de la sorte. Au fait, comment utilisez-vous tout ça ?
J’en ai offert. Mais laissez-moi aussi faire ce qui me plaît. Je ne sais pas qui ça dérange que j’aie trois, quatre, cinq téléphones et même plus, comme c’est le cas en ce moment.

Ça ne vous perturbe pas dans votre travail quotidien ?
Ils ne sonnent pas tous au même moment. Depuis que vous êtes là, ça a sonné combien de fois ?

Plus d’une dizaine de fois en moins d’une heure. Ce n’est pas beaucoup ?
Ah non ! (Rire). Le téléphone est un outil de travail et de distraction. Parmi mes téléphones, il y en a un qui a sa télévision. Je dois vous avouer que je suis très amoureux des nouvelles technologies. Je voudrais être quelqu’un qui vit pleinement la société de l’information. Et je peux vous dire que la première décision que j’ai prise en arrivant au ministère de la Communication, c’était d’y mettre la fibre optique. Et j’ai déjà demandé à la direction générale de Camtel de mettre la fibre optique à la maison de la communication que je vous invite à visiter.

Quelle est l’attitude de vos proches depuis le déclenchement de cette affaire de fonds destinés à la visite papale ?
Je reçois d’eux beaucoup d’encouragements. Mon e-mail est plein de messages. Je reçois aussi beaucoup de Sms. C’est un réconfort. Je peux vous en lire un. “ Bonjour ! Je t’envoie ce Sms pour un soutien moral. Je sais tout de même que, tu es aussi intelligent que Pythagore. (…) Tiens bon. ”.

Que disent vos collègues du gouvernement ?
Il y’en a qui me demandent ce qui se passe. Puis, ils sourient. Vous savez, chacun se retrouve chez le coiffeur. (Rires)

Quelle est votre feuille de route pour les mois à venir ?
Je vais vous la faire tenir. Déjà, je peux dire en résumé que nous allons inaugurer très prochainement le centre de presse qui est un bijou architectural. Nous allons également accélérer le déblocage de l’aide publique à la communication privée.

Le montant de cette aide est jugé minable par certains patrons de presse qui l’ont toujours boudée. Ils se plaignent aussi de la répartition complaisante de cette modeste enveloppe qui fait la part belle à ces titres qui apparaissent de façon sporadique dans les kiosques, et surtout, à l’approche du partage de cet argent.
C’est vrai que l’aide publique à la presse fait l’objet de critiques diverses. C’est très important que vous voyiez un peu ma feuille de route, qui prévoit la révision à la hausse de cette enveloppe pour l’année 2009. Nous entendons aussi être plus rigoureux dans la sélection des bénéficiaires. Je discute beaucoup avec la presse privée pour qui j’ai de la considération. D’où ma récente tournée auprès de ces entreprises à Douala. Je pense très sérieusement à d’autres formes de financement des activités médiatiques, notamment la mise sur pied d’un fonds de développement des activités médiatiques. J’en ai discuté avec ces patrons de presse privée lors de ma tournée. La publicité et bien d’autres activités génèrent beaucoup de revenus. Nous pensons qu’au lieu que tous ces revenus y compris les taxes qui sont générées, soient totalement mis dans la caisse unique de l’Etat, il convient qu’on ait une partie pour aider à soutenir le développement de ces médias.

Un vœu ou dernier mot pour conclure cette interview, monsieur le Ministre ?
Je souhaite que cette campagne, ce lynchage, qui a été déclenché pour une raison que je ne connais pas, prenne fin. Et que nous nous remettions au travail. Nous sommes là pour apporter notre contribution à l’œuvre de redressement du Cameroun. Nous sommes en train de sortir d’une crise qui a duré près de vingt ans. Il y’en a une autre qui est là en ce moment. Nous devons perdre le moins de temps possible à faire de fausses querelles. Ce qui m’inquiète, c’est que parfois, certains Camerounais pensent qu’on peut développer le pays sans travailler. Et cette frange de la population, qui pense qu’on peut se développer en dormant, est assez importante. C’est ce qui nous vaut aujourd’hui d’attendre que les Thaïlandais nous envoient le riz alors que nous avons des terres, des marécages. Je dis trêve de balivernes. Remettons nous au travail !
 

Par Entretien avec Marie-Noëlle Guichi

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Jean Pierre Biyiti Bi Essam ; “ La procédure judiciaire contre moi n’est pas encore déclenchée ”

Jean Pierre Biyiti Bi Essam, ministre de la Communication

Le ministre de la Communication, Jean Pierre Biyiti Bi Essam est au-devant de l’actualité depuis la récente visite du Pape Benoît XVI au Cameroun du 17 au 20 mars dernier. Après plusieurs articles parus dans la presse dévoilant une gestion peu orthodoxe des fonds alloués par la présidence de la République pour la couverture médiatique de ce grand événement, il a été entendu jeudi dernier chez le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Yaoundé. Il déférait ainsi à une convocation de la police judiciaire. Son audition aurait duré trois bonnes heures d’horloge. Il était appelé à répondre de la gestion de ces fonds, dont une partie, 130 millions Fcfa, a été virée dans son compte personnel à la Société générale des Banques du Cameroun. Ce qui est interdit par la loi. Du coup, des soupçons de détournement pèsent sur le Mincom, et certains de ses collaborateurs qui sont intervenus dans cette opération. Beaucoup parmi eux ont également été entendus à la police judiciaire, où ils ont été appelés à expliquer cet acte qualifié de délictuel. Mais pour Jean Pierre Biyiti Bi Essam, que nous avons rencontré hier, à sa résidence du Camp Sic Mendong, il s’agit juste d’une faute de gestion. Il attribue la cabale actuelle à ses détracteurs qui seraient opposés à sa gestion par trop rigoureuse des activités du ministère. Il évoque le climat actuel au Mincom, lève un pan de voile sur sa personne. De même qu’il résume sa feuille de route pour 2009, qu’il entend réaliser si le chef de l’Etat lui renouvelle sa haute confiance, en dépit du mauvais vent qui souffle autour de lui actuellement.

Monsieur le ministre, vous habitez le camp Sic Mendong, dans un cadre étroit et modeste. Est-ce digne d’une République ?
Il n’y a pas de mal à cela. Je suis arrivé ici il y a une vingtaine d’années. Et je me plais toujours à dire que lorsqu’il y’aura un maire à Mendong, je serai le premier à l’être. Je suis arrivé ici en 1990. Il n’y avait pas encore grand monde dans ce quartier. Dans le grand immeuble d’en face, il n’y avait même pas un chat. Votre question se pose effectivement par d’autres personnes. Deux semaines après mon entrée au gouvernement, on a dit à mon épouse à la sortie du culte qu’on a appris que nous habitons déjà Bastos. Mon épouse a rassuré son interlocuteur, en lui disant que nous sommes toujours à Mendong. Je n’ai pas voulu que ma fonction de ministre me change. J’ai gardé tous mes numéros de téléphone. Je ne peux pas fuir le peuple. Au contraire, je dois rester parmi ce peuple pour le sentir. Parce que je suis à son service.

Vous êtes au devant de la scène à cause d’une affaire de gestion des fonds alloués par la présidence de la République pour la couverture médiatique de la récente visite du Pape au Cameroun. Il y a eu beaucoup de contradictions et de polémiques sur le montant total de ces fonds. Quelle était la somme exacte de l’enveloppe reçue par vos services et quel usage en avez-vous fait ?
Je ne sais pas pourquoi on tient compte de tous ces montants que des gens non qualifiés balancent dans la presse depuis si longtemps. La première fois que la question m’a été posée, c’était au cours d’une émission à Canal 2, lorsque j’étais en tournée à Douala. J’ai dit et je le répète, que le chef de l’Etat a ordonné le déblocage de 770 (sept cent soixante dix) millions Fcfa pour la préparation de la couverture de la visite du Pape au Cameroun. Cet argent est parvenu en quatre tranches au ministre de la Communication que je suis, et qui devait le répartir. La première tranche est arrivée jeudi 26 février 2009 en milieu d’après-midi. C’était 250 millions Fcfa, qui me sont arrivés dans un sac porté par deux ou trois gaillards. La deuxième tranche, toujours de 250 millions Fcfa, est arrivée le lendemain. La troisième tranche, 200 millions Fcfa, est arrivée le 4 mars 2009. La quatrième et dernière tranche, exclusivement consacrée à la location des écrans géants, est arrivée une semaine avant l’arrivée du Pape. C’est-à-dire le 10 mars. Elle était de 70 millions Fcfa. Lorsqu’on fait le total, on est à 770 Fcfa millions.

Comment avez-vous réparti cet argent ?
La Crtv a reçu 450 millions Fcfa. La Camtel qui devait nous aider au niveau de l’apport de la fibre optique a reçu 140 millions Fcfa. La Sopecam, société éditrice de Cameroon Tribune, a reçu 40 millions Fcfa. Le ministère de la Communication a reçu 140 millions Fcfa dont les 70 millions Fcfa que je signalais tout à l’heure, et qui constitue la cagnotte réservée à la location des écrans géants. Voilà, il n’y a pas d’autre vérité. La vérité de ce chiffre ne peut sortir que de ma bouche. Je l’ai déjà sortie mille et une fois, mais on revient toujours sur la même question.

On constate que la presse dite privée n’a rien reçu de ces fonds pourtant destinés à la couverture médiatique de la visite papale. Doit-on comprendre que cette presse n’est pas prise en considération par celui qui a ordonné le déblocage de cette allocation spéciale, et par vous-même, ministre de la Communication ?
Ce qui a été fait avec ces fonds a servi aussi bien à la presse à capitaux privés qu’à la presse à capitaux publics. Le centre de presse public n’était pas interdit à la presse privée. Au contraire ! Le dîner de presse était ouvert à tous les médias. Je dirai même que le Cameroun tout entier en a profité. J’entends certaines langues dire que la visite du Pape nous a coûté trop cher. Quand vous recevez quelqu’un, vous faîtes quand même attention. Vous voyez si vous n’avez pas des verres dépareillés, etc. Et quand vous achetez ces verres, votre invité ne va pas les emporter avec lui à la fin de la visite. Ça reste votre patrimoine.

Revenons en aux médias à capitaux privés qui ont été lésés dans votre répartition. Pourquoi n’ont-ils pas aussi bénéficié de l’argent en espèces, au même titre que les médias à capitaux publics, pour assurer une couverture optimale de cet événement d’envergure ? Pensez-vous qu’ils n’en avaient pas besoin ?
Ce que je dois vous dire, c’est que à cette époque, nous avions beaucoup de mal déjà…Vous vous rendez compte que c’est le 26 février que la première tranche est arrivée. Cela se passe un mois de février d’une année qui n’est pas bissextile. C’est-à-dire que ce mois n’a que 28 jours. Donc, on était très en retard. Cela dit, j’ai déjà fait mon mea culpa à la presse à capitaux privés, en lui expliquant que dans quelques jours, nous allons encore distribuer l’aide à la presse privée. J’ai mis la pression sur mes collaborateurs pour mettre en route ce dossier-là.

On aimerait quand même savoir si vous avez tenu compte des besoins de cette presse privée dans le budget de couverture que vous avez soumis à la présidence de la République et qui a abouti au déblocage des fonds querellés.
Absolument. Mais ce que j’ai demandé, je ne l’ai pas obtenu. En plus, ce que j’ai reçu est arrivé, au compte goutte, à la dernière minute.

Si ce n’est pas indiscret, peut-on savoir combien vous avez demandé pour la couverture médiatique de la visite papale, et quelle proportion vous entendiez réserver aux médias à capitaux privés ?
J’ai demandé un milliard Fcfa. S’agissant de la part de la presse privée, je dirais que ce débat est derrière nous et il serait inutile d’en reparler. Nous en tirons toutes les leçons possibles. Regardons devant nous. Mais je dis à la presse publique et privée que je suis votre tuteur. J’ai aussi des griefs vis-à-vis de vous. La façon dont vous me traitez ne montre pas que vous me considérez comme votre tuteur. Vous me traitez avec une brutalité inimaginable. Jamais dans ce pays, je n’ai vu une campagne de presse de cette nature contre un ministre en exercice. Et c’est votre ministre que vous jetez en pâture comme ça, pour des faits non avérés.

Il se trouve pourtant que vous avez fait déposer 130 millions des 140 millions Fcfa que vous avez réservés au ministère de la Communication dans votre compte personnel à la Sgbc. Ce qui est condamné par la loi. D’où le soupçon de détournement de fonds publics qui pèse sur vous. Comment en êtes-vous arrivé là ?
Je vous refais le film de l’opération. Nous sommes le 26 février 2009. Dans la matinée, je participe à un Conseil de cabinet présidé par le Premier ministre, chef du gouvernement. Le principal sujet à l’ordre du jour, c’est l’insécurité dans les édifices publics. A cette époque, on venait d’assister au cambriolage opéré à la Délégation générale à la Sûreté nationale, qui est un édifice gardé par la police. On venait aussi d’assister à un cambriolage au ministère de la Défense. Et le gouvernement s’est donc réuni autour de ces problèmes d’insécurité dans les édifices publics. Dans l’après-midi de ce jour-là, j’attendais un chéquier du trésor, avec lequel je devais tirer des chèques à remettre aux différents acteurs, les médias publics, Camtel et autres. Au lieu de ce chéquier du trésor, c’est un sac d’argent contenant 250 millions Fcfa, que trois gaillards font entrer dans mon bureau. Nous sommes en fin d’après-midi du jeudi, 26 février 2009. Qu’est-ce que je fais ? J’appelle ceux qui ont une part dans cet argent, c’est-à-dire, la Crtv, la Camtel et la Sopecam, de venir rapidement. Cet argent n’a pas séjourné plus de 30 minutes dans mon bureau. J’ai d’ailleurs demandé à mes collaborateurs qui me l’ont apporté, si on les a vus entrer dans mon bureau avec un sac aussi gros. A titre anecdotique, le ministre délégué aux Finances m’a passé un coup de fil pour s’assurer que cet argent m’est parvenu. Puis il m’a dit : “ Tu vois donc que, quand les gens disent qu’on a mis un milliard dans la malle arrière d’une voiture, ce n’est pas tout à fait ça ”. Ça dit ce que ça dit. Mais moi, je suis paniqué, dans le contexte que je vous ai décrit, par tant d’argent dans mon bureau. Ma volonté est de faire sortir cet argent rapidement, et de le sécuriser. Pour la partie de cet argent qui doit être gérée par le ministère de la Communication, je me demande où je dois la garder. J’appelle mon banquier, qui s’appelle M. Hamidou. C’est le responsable adjoint de la Sgbc Marché. Chacun peut aller le voir pour vérifier mes déclarations. Je lui ai dit de me trouver un coffre-fort avec deux clés, dont l’une pour mon Dag, et l’autre pour eux là-bas à la banque. Ainsi, on pourra sécuriser les 70 millions Fcfa qu’on venait de m’apporter. Il me répond que la Sgbc n’offre pas ce service-là. Cette banque a l’avantage de se situer non loin de mon cabinet ministériel. Il me propose de mettre cet argent dans mon compte bancaire, à condition que je lui en dise l’origine et la destination. Là, il est question d’en apporter les justificatifs.

En dehors de votre compte personnel, n’y avait-il pas possibilité de virer cet argent dans un compte neutre, à défaut de celui du ministère de la Communication?
J’en profite pour rappeler aux Camerounais que depuis 2005, il est interdit aux départements ministériels d’ouvrir des comptes dans les banques commerciales. Je suis bien placé pour le savoir parce que j’étais secrétaire général de ministère à cette époque-là. Alors, où diable voulait-on que j’aille mettre cet argent-là ? Si je voulais le détourner, je serais allé cacher cet argent chez moi au village. Est-ce que la seule façon de détourner de l’argent, c’est d’aller le mettre à la banque ? Et, ce n’est même pas moi qui ai effectué cette opération. J’ai envoyé mon directeur des affaires générales, madame Ndzié Chantal qui s’occupe des affaires financières. A ce moment-là, la difficulté que j’ai est la suivante : la lettre qui accompagne cet argent n’est pas encore dans mes services. Je le fais savoir au banquier qui me répond que je justifierai plus tard. Je lui dis, je te donne ma parole d’honneur, que c’est de l’argent qui va servir au Pape. La mention qui est mise sur le bordereau de versement, c’est “ versement par lui-même ”. Pourquoi ? Parce qu’il sait que je vais justifier, mais je ne l’ai pas encore fait. Le seul patron du banquier, c’est Thomas. Il veut voir de ses yeux les justificatifs avant de mettre autre chose. Et quand vous voyez le deuxième versement [60 millions de Cfa, Ndlr] qui intervient le 10 mars, il est mentionné “ versement pour l’arrivée du Pape ”. C’est écrit. Je vais le publier. D’ailleurs, j’ai décidé de publier mes relevés bancaires. Les gens cassent la tête aux Camerounais pour une affaire qui n’en est pas une.

Ce qui suscite tous ces commentaires, c’est déjà le fait de mettre de l’argent public dans un compte privé. C’est un délit !
J’ai mis de l’argent public dans un compte privé ? Oui ! Mais cet argent public dans mon compte privé porte la marque péremptoire que c’est de l’argent public, parce que c’est écrit, “ versement pour l’arrivée du Pape ”. Ça veut dire quoi ? S’il arrivait que je meure ce jour-là, mes ayants-droit n’auraient pas pu récupérer cet argent. Ils auraient eu à en expliquer la provenance.

Cet argument n’est pas valable pour la première partie du versement qui portait provisoirement la mention “ versement par moi-même ” !
Pas du tout ! Parce que j’avais promis les justificatifs au banquier qui les attendait. Depuis un certain nombre d’années, il est impossible de mettre plus de 5 millions Fcfa à la banque sans en justifier l’origine. Donc, le banquier savait que je venais avec les justificatifs. Et, verbalement, je lui avais déjà dit d’où venait cet argent et à quoi cela allait servir.

Peut-on savoir comment vous avez utilisé ces 130 millions Fcfa virés dans votre compte ?
J’ai le compte d’emploi que vous pouvez consulter si vous le voulez.

Avec pratiquement la moitié de cet argent, vous aurez accordé un marché de livraison des écrans géants à une société gabonaise. Mais pour beaucoup, il s’agirait d’une société fictive. Car, dans le même temps, une société camerounaise affirme avoir gagné ce marché, pour un montant dérisoire ; très en deçà de la somme qui est avancée par vos collaborateurs, qui auraient fait de la surfacturation, avec votre complicité. Qui a finalement gagné le marché des écrans géants et pour quel montant ?
J’ai lu dans un journal la photocopie d’une facture, d’une certaine société de droit camerounais [Gic Afric Images, dirigé par un Camerounais du nom de Joël Ewonde, Ndlr]. Cela n’a rien à y voir. Là également, je vais publier mes correspondances avec ma hiérarchie, relatives à ces écrans géants. Vous verrez que le 7 mars 2009, j’ai écrit à ma hiérarchie pour lui faire part des négociations avec la firme allemande CI Vidéo Rental Gmbh, qui est prête à nous placer deux écrans géants contre 350 912 000 Fcfa. Je trouve le chiffre assez fort. Mais, c’est la dernière proposition des Allemands. Quelques jours après, par l’entremise de l’une de mes connaissances, l’artiste Seba Georges (maintenant, je suis prêt à me dévêtir, parce que les gens disent trop de bêtises sur Biyiti), me dit qu’à Libreville, il y a une société qui fait dans la location de la sonorisation et des écrans géants. Je vais t’aider à entrer en contact avec eux. Et il appelle effectivement un monsieur Manyanga avec qui j’entre en contact. Et ce monsieur Manyanga me dit qu’il peut me fournir 4 écrans géants à 70 millions Fcfa tout compris, et même le transport par avion. Nous sommes à une semaine de l’arrivée du Pape. Il faut faire vite. Les gens ne se représentent pas le contexte dans l’obligation de résultat. C’est la guerre. Je dois la gagner. J’écris donc à ma hiérarchie le 9 mars pour lui présenter cette proposition qui vient du Gabon, et qui est très abordable. D’autant plus que le Gabon n’est pas très loin, par rapport aux écrans qui viendraient d’Allemagne. Et M. Manyanga exige 50% de son dû pour s’engager. L’argent est disponible dans mon compte. Je consulte mon banquier pour lui faire un transfert d’argent. Il me présente les formalités à remplir et je constate que je ne peux pas y arriver. Monsieur Manyanga est disposé à venir chercher son argent ici au Cameroun. Mais les 50% qu’il exige, représentent 35 millions Fcfa, c’est beaucoup d’argent. J’appelle l’ambassadeur du Cameroun au Gabon, qui me déconseille cette démarche consistant à donner de l’argent à quelqu’un dont je ne connais pas la société. Il me demande de mettre un de mes collaborateurs en mission au Gabon pour voir sur place ce que fait cette société. J’envisage donc une opération kamikaze. C’est-à-dire, on prend de l’argent dans un sac, on apporte ça chez ces gens là ; ils nous mettent les écrans géants dans l’avion et on en finit.

Le collaborateur que vous choisissez pour cette mission n’aurait pas le profil, selon certains cadres de votre ministère, qui estiment que vous avez fait confiance à quelqu’un que vous pouvez facilement manipuler et embarquer dans des transactions pas transparentes. Qu’en dites-vous ?
Quand l’ambassadeur me demande de lui donner le nom de mon collaborateur qui arrive au Gabon pour cette mission-là, je pense d’abord à Monsieur Kaptché Simo, qui est le chef de service du budget, et donc, habitué aux affaires d’argent. Mais celui-ci n’a pas de passeport. J’ai un autre collaborateur, un gars très sérieux, Coco Simo à qui je confie cette mission, puisqu’il a un passeport valide. Pour faire vite, l’ambassadeur du Cameroun au Gabon lui achète un billet d’avion en prépaid. Quant à moi, je vais prendre 35 millions Fcfa à la banque. On peut suivre ça à la trace sur mon compte bancaire. Etant donné que ce voyage n’était pas prévu dans le budget, je demande à mon directeur des affaires générales de prendre sur une caisse d’avance, je crois de la médiascopie, 500 mille Fcfa et de les donner à M. Coco comme frais de mission ; de lui remettre ensuite 240 mille Fcfa pour le remboursement du billet d’avion à l’ambassadeur du Cameroun à Libreville ; de donner 100 mille Fcfa à mon chauffeur parce que j’ai mis ma propre voiture en route ; de donner 100 mille Fcfa à mon garde de corps. Tout cela constitue les frais de missions et j’y ajoute les frais de risques. Je lui demande aussi de débloquer 60 mille Fcfa comme forfait carburant. C’est ainsi que dans la soirée, la voiture prend la route de Douala où le départ du vol était prévu. Et quelques jours après, les écrans géants étaient débarqués à l’aéroport. Ensuite, j’ai délivré 14 accréditations aux techniciens gabonais conduits par M. Manyanga lui-même. J’ai demandé ces accréditations le 14 mars 2009 à ma hiérarchie, pour qu’ils puissent faire sereinement leur travail qui s’est achevé le 20 mars 2009. Ce jour là, M. Manyanga a perçu son reliquat de 35 millions Fcfa. Lors de la décharge, j’exige qu’il me laisse la photocopie de son passeport. Ce qu’il fait. Voilà donc comment j’ai géré cet argent. Mais à écouter ce qu’on raconte à propos, je n’en crois pas mes oreilles.

Vous avez été auditionné par le directeur de la police judiciaire à Yaoundé et par le procureur de la République près le tribunal de grande instance du Mfoundi. Que vous reproche-t-on ?
On me demande pourquoi j’ai mis de l’argent public dans un compte privé. Et j’explique. C’est la principale question jusque-là. Mais je voudrais retourner cette question à mes accusateurs, dites-moi où je devais mettre cet argent ? Vous vouliez que je mette cet argent chez moi à Mendong, qui n’est pas suffisamment gardé, pour qu’on vienne trucider mes enfants avant de le voler ? Dans ce cas, on aurait même dit que j’ai détourné de l’argent en simulant un coup de vol. Au ministère où je n’ai pas de coffre-fort, ce n’était pas prudent non plus, dans un contexte d’insécurité généralisée des édifices publics. Moi je suis ministre. C’est-à-dire, je prends mes responsabilités. Et si le chef de l’Etat avait pensé que j’étais une mauviette, il ne m’aurait pas mis là. J’ai pris ma décision. Je pense que c’est celle que je devais prendre à ce moment-là. La seule question qui vaille aujourd’hui la peine d’être posée, c’est de savoir, qu’est-ce que Biyiti a fait de cet argent ?

Pouvez-vous parier que le solde de votre compte avant le virement des fonds publics est resté le même après le départ du Pape ? N’y avez-vous pas retenu une somme pour vous-même. Autrement dit, pouvez-vous affirmer que vous n’avez pas porté le doigt à la bouche en gérant ces fonds ?
Cet argent est entré dans mon compte et en est ressorti dans un intervalle de trois semaines. J’ai 4 comptes bancaires. J’en publie les numéros demain (ce lundi 27 avril 2009). Dans les quatre comptes bancaires, il y avait dix millions cent trente-deux mille six cent vingt cinq (10 132 625) Fcfa. Après le départ du pape, il y avait dans ces comptes 10 306 020 francs Cfa (dix millions trois cent six mille vingt). Le Pape ne m’a pas enrichi. Il n’y a aucun argent que j’ai distrait. Je vais même vous faire une confidence. Seuls ma femme, mon garde de corps et mon chauffeur savent que du 14 au 18 mars 2009, j’ai pris une chambre au Hilton à mes frais pour être plus prêt des théâtres où j’avais à travailler, du centre de presse au Bois Sainte Anastasie en passant par mon bureau. J’ai demandé au Hilton de me produire la facture. Elle est de six cent trente-quatre mille (634 000) Fcfa. Je l’ai et je vais la publier. Le jour où j’avais constaté que la sonorisation de la Crtv qu’on est allée acheter en Italie est déjà là, j’étais tellement content que j’ai donné 70 000 Fcfa aux techniciens qui essayaient ces équipements à la Crtv. C’était un samedi. Dois-je mettre cet argent dans les dépenses publiques liées à la couverture de la visite du Pape ? Je suis le ministre de la Communication. Je peux faire des choses. Je n’attends pas l’argent du Pape pour agir. Le chef de l’Etat me donne un budget de six milliards Fcfa que je gère rigoureusement. Est-ce compréhensible que j’attende l’argent du Pape pour me remplir les poches comme certains le prétendent ? Les gens sont entrain de monter de toutes pièces une machination grossière.

Certains de vos collaborateurs que nous avons rencontrés avant cet entretien disent que vous êtes très zélé et que vous les traitez avec du mépris. Est-ce un jugement trop dur ? Vous-y reconnaissez-vous ?
Dans le zèle oui ! Mais, le mépris, non ! Trois fois non !!! Je suis un homme qui respecte les autres. Vous avez sélectionné les personnes vers qui vous diriger. Je crois qu’il y en a d’autres aussi qui apprécient ce que je fais à sa juste valeur. Ils sont contents de la décision que j’ai prise [les récentes nominations au Mincom, Ndlr]. Mais devant leurs chefs, ils n’osent pas se prononcer. J’aime que les choses avancent. Je suis aussi pour l’équité, la justice.

Il se dit que vous avez tiré un ancien cadre du ministère de sa retraite pour venir gérer ces fonds destinés à la couverture médiatique de la visite du Pape, alors qu’au ministère il y a bien des personnes compétentes pour cela. Qu’en est-il exactement ?
Voilà un exemple patent de la désinformation qui sévit au ministère. Avant que je n’arrive au ministère de la Communication, il avait été nommé par mes prédécesseurs, directeur des médias privés et de la publicité. L’année dernière, il a été atteint par la limite d’âge. Il n’est pas seul dans ce cas. D’autres directeurs dans les services centraux et dans les centres de presse sont atteints par la limite d’âge. J’ai fait des propositions pour le remplacement de tous les collaborateurs atteints par la limite d’âge. Ces propositions de nomination ont été transmises le 5 janvier 2009 dans les services du Premier ministre pour visa. Je peux vous dire que, s’agissant des décrets, c’est le Premier ministre qui les signe. Avant de le faire, il les envoie pour visa à la Présidence. En ce qui concerne les textes que je suis habileté à signer, les services du Premier ministre mettent un visa et me les renvoient. C’est le cas pas exemple des arrêtés de nomination des directeurs et des chefs de service. Et ces arrêtés qui ont déjà reçu le visa des services du Premier ministre ont été publiés, dans l’attente de la signature des autres textes. Vous vous rappelez qu’il y a quelques semaines, votre journal a titré à la Une : “ Les nominations de Biyiti Bi Essam rejetées à la présidence de la République ”. Je ne le savais pas. Je sais que c’est encore à l’étude là-bas. Je n’ai donc pas ressuscité Mvotto Obonou. Mais je voudrais que l’on retienne qu’il n’est pas le seul directeur des services centraux atteint par la limite d’âge. Seulement, le décret présidentiel devant le remplacer est encore attendu. On a d’ailleurs dit que c’est lui qui a géré les fonds du Pape. Lorsque vous regardez la répartition qui en a été faite, où apparaît le nom de ce monsieur ?

Comment appréciez-vous la procédure judiciaire en cours contre vous ?
Elle est prématurée. Voilà ce que je dirais tout simplement. D’ailleurs, la procédure judiciaire n’est pas encore déclenchée. Actuellement, on est encore dans les auditions et les enquêtes préliminaires au niveau de la police judiciaire.

Vous étiez déjà devant le procureur. A votre avis, qu’est-ce qui a manqué jusqu’ici dans la mise en place de ce feuilleton. Croyez-vous qu’il s’agit d’une judiciarisation précoce d’une affaire qui aurait due être d’abord administrative ?
Je ne suis pas juriste. Mais en toute logique, j’aurais imaginé que mes patrons me servent une demande d’explications, en me demandant pourquoi j’ai mis de l’argent public dans un compte privé. Je leur aurais expliqué ce qui s’est passé, comme je viens de le faire avec vous, et ils auraient décidé de la suite à donner à cette affaire, qui, de mon point de vue, est une faute administrative. C’est une faute de gestion qui, en aucun cas, ne peut être assimilé à un délit ou à une intention délictuelle. Si la loi dit qu’il ne faille pas mettre de l’argent public dans un compte privé, vous savez qu’il y a la loi, mais il y a aussi l’esprit de cette loi. Et là, l’esprit de cette loi, c’est que cet argent doit être conservé pour servir l’intérêt public. Et je démontre que c’est ce que j’ai fait. On se croirait dans une comédie de Molière où on se trouve à expliquer une histoire où on n’a mis que sa bonne volonté.

Vous parlez d’une machination. Selon vous, que vous reprocheraient vos détracteurs, si vous en avez, tels que vous le laissez croire ?
On me reproche beaucoup de choses. D’aucuns trouvent que je suis trop rigoureux. Je vais vous raconter une anecdote. Quand je suis arrivé au ministère de la Communication en septembre 2007, nous étions en fin d’exercice budgétaire. J’ai pris la décision de responsabiliser tous mes directeurs. J’ai donné la signature comme on dit, à tous mes directeurs. En général, on n’a pas le souci du résultat dans les services publics. Or, je suis quelqu’un qui a le souci du résultat. A la fin de l’année, je les ai appelés, pour leur demander ce qu’ils ont fait de la signature que je leur ai déléguée. Il n’y avait pas de résultats. Je m’en fous de la gloire. J’ai été nommé par décret du chef de l’Etat. Je leur ai retiré cette signature. Ce qui n’a pas été du goût de beaucoup.

Quel est votre état d’esprit après votre audition durant plus de 3 heures de temps à la direction de la police judiciaire, et ensuite, chez le procureur ?
Je suis toujours à rechercher le crime que j’ai commis. Si le chef de l’Etat conserve la haute confiance qu’il a placée en moi, je serai encore là, et présent à mon bureau aux mêmes jours et heures que d’habitude.

Vous êtes visiblement ébranlé par cette affaire. Pourtant nous avons lu dans un journal de la place que vous étiez serein, malgré tout. Le journaliste reprenait vos propos !
Tout à fait, je suis serein. Je n’ai tué personne. J’ai peut-être commis une faute de gestion en allant mettre de l’argent public dans un compte privé. Mais j’ai expliqué ce que j’ai fait de cet argent, et les gens ont vu les résultats. Je suis serein. Maintenant, il faut reconnaître que je suis justiciable. Et si la Justice de mon pays estime que j’ai commis un délit, je suis là. Je suis un citoyen ordinaire.

Pas tout à fait, monsieur le ministre. Vous avez une dizaine de téléphones portables pour vous tout seul. C’est assez extraordinaire ça ! Est-ce un signe extérieur de richesse ?
J’ai été secrétaire général du ministère des Postes et télécommunications, et de temps en temps, les opérateurs de téléphonie m’en offraient. Ce n’est pas un signe extérieur de richesse. C’est simplement que j’aime ça.

Vous auriez pu en offrir à votre tour, pour éviter d’être encombré de la sorte. Au fait, comment utilisez-vous tout ça ?
J’en ai offert. Mais laissez-moi aussi faire ce qui me plaît. Je ne sais pas qui ça dérange que j’aie trois, quatre, cinq téléphones et même plus, comme c’est le cas en ce moment.

Ça ne vous perturbe pas dans votre travail quotidien ?
Ils ne sonnent pas tous au même moment. Depuis que vous êtes là, ça a sonné combien de fois ?

Plus d’une dizaine de fois en moins d’une heure. Ce n’est pas beaucoup ?
Ah non ! (Rire). Le téléphone est un outil de travail et de distraction. Parmi mes téléphones, il y en a un qui a sa télévision. Je dois vous avouer que je suis très amoureux des nouvelles technologies. Je voudrais être quelqu’un qui vit pleinement la société de l’information. Et je peux vous dire que la première décision que j’ai prise en arrivant au ministère de la Communication, c’était d’y mettre la fibre optique. Et j’ai déjà demandé à la direction générale de Camtel de mettre la fibre optique à la maison de la communication que je vous invite à visiter.

Quelle est l’attitude de vos proches depuis le déclenchement de cette affaire de fonds destinés à la visite papale ?
Je reçois d’eux beaucoup d’encouragements. Mon e-mail est plein de messages. Je reçois aussi beaucoup de Sms. C’est un réconfort. Je peux vous en lire un. “ Bonjour ! Je t’envoie ce Sms pour un soutien moral. Je sais tout de même que, tu es aussi intelligent que Pythagore. (…) Tiens bon. ”.

Que disent vos collègues du gouvernement ?
Il y’en a qui me demandent ce qui se passe. Puis, ils sourient. Vous savez, chacun se retrouve chez le coiffeur. (Rires)

Quelle est votre feuille de route pour les mois à venir ?
Je vais vous la faire tenir. Déjà, je peux dire en résumé que nous allons inaugurer très prochainement le centre de presse qui est un bijou architectural. Nous allons également accélérer le déblocage de l’aide publique à la communication privée.

Le montant de cette aide est jugé minable par certains patrons de presse qui l’ont toujours boudée. Ils se plaignent aussi de la répartition complaisante de cette modeste enveloppe qui fait la part belle à ces titres qui apparaissent de façon sporadique dans les kiosques, et surtout, à l’approche du partage de cet argent.
C’est vrai que l’aide publique à la presse fait l’objet de critiques diverses. C’est très important que vous voyiez un peu ma feuille de route, qui prévoit la révision à la hausse de cette enveloppe pour l’année 2009. Nous entendons aussi être plus rigoureux dans la sélection des bénéficiaires. Je discute beaucoup avec la presse privée pour qui j’ai de la considération. D’où ma récente tournée auprès de ces entreprises à Douala. Je pense très sérieusement à d’autres formes de financement des activités médiatiques, notamment la mise sur pied d’un fonds de développement des activités médiatiques. J’en ai discuté avec ces patrons de presse privée lors de ma tournée. La publicité et bien d’autres activités génèrent beaucoup de revenus. Nous pensons qu’au lieu que tous ces revenus y compris les taxes qui sont générées, soient totalement mis dans la caisse unique de l’Etat, il convient qu’on ait une partie pour aider à soutenir le développement de ces médias.

Un vœu ou dernier mot pour conclure cette interview, monsieur le Ministre ?
Je souhaite que cette campagne, ce lynchage, qui a été déclenché pour une raison que je ne connais pas, prenne fin. Et que nous nous remettions au travail. Nous sommes là pour apporter notre contribution à l’œuvre de redressement du Cameroun. Nous sommes en train de sortir d’une crise qui a duré près de vingt ans. Il y’en a une autre qui est là en ce moment. Nous devons perdre le moins de temps possible à faire de fausses querelles. Ce qui m’inquiète, c’est que parfois, certains Camerounais pensent qu’on peut développer le pays sans travailler. Et cette frange de la population, qui pense qu’on peut se développer en dormant, est assez importante. C’est ce qui nous vaut aujourd’hui d’attendre que les Thaïlandais nous envoient le riz alors que nous avons des terres, des marécages. Je dis trêve de balivernes. Remettons nous au travail !
 

Par Entretien avec Marie-Noëlle Guichi

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Jean Pierre Biyiti Bi Essam ; “ La procédure judiciaire contre moi n’est pas encore déclenchée ”

Jean Pierre Biyiti Bi Essam, ministre de la Communication

Le ministre de la Communication, Jean Pierre Biyiti Bi Essam est au-devant de l’actualité depuis la récente visite du Pape Benoît XVI au Cameroun du 17 au 20 mars dernier. Après plusieurs articles parus dans la presse dévoilant une gestion peu orthodoxe des fonds alloués par la présidence de la République pour la couverture médiatique de ce grand événement, il a été entendu jeudi dernier chez le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Yaoundé. Il déférait ainsi à une convocation de la police judiciaire. Son audition aurait duré trois bonnes heures d’horloge. Il était appelé à répondre de la gestion de ces fonds, dont une partie, 130 millions Fcfa, a été virée dans son compte personnel à la Société générale des Banques du Cameroun. Ce qui est interdit par la loi. Du coup, des soupçons de détournement pèsent sur le Mincom, et certains de ses collaborateurs qui sont intervenus dans cette opération. Beaucoup parmi eux ont également été entendus à la police judiciaire, où ils ont été appelés à expliquer cet acte qualifié de délictuel. Mais pour Jean Pierre Biyiti Bi Essam, que nous avons rencontré hier, à sa résidence du Camp Sic Mendong, il s’agit juste d’une faute de gestion. Il attribue la cabale actuelle à ses détracteurs qui seraient opposés à sa gestion par trop rigoureuse des activités du ministère. Il évoque le climat actuel au Mincom, lève un pan de voile sur sa personne. De même qu’il résume sa feuille de route pour 2009, qu’il entend réaliser si le chef de l’Etat lui renouvelle sa haute confiance, en dépit du mauvais vent qui souffle autour de lui actuellement.

Monsieur le ministre, vous habitez le camp Sic Mendong, dans un cadre étroit et modeste. Est-ce digne d’une République ?
Il n’y a pas de mal à cela. Je suis arrivé ici il y a une vingtaine d’années. Et je me plais toujours à dire que lorsqu’il y’aura un maire à Mendong, je serai le premier à l’être. Je suis arrivé ici en 1990. Il n’y avait pas encore grand monde dans ce quartier. Dans le grand immeuble d’en face, il n’y avait même pas un chat. Votre question se pose effectivement par d’autres personnes. Deux semaines après mon entrée au gouvernement, on a dit à mon épouse à la sortie du culte qu’on a appris que nous habitons déjà Bastos. Mon épouse a rassuré son interlocuteur, en lui disant que nous sommes toujours à Mendong. Je n’ai pas voulu que ma fonction de ministre me change. J’ai gardé tous mes numéros de téléphone. Je ne peux pas fuir le peuple. Au contraire, je dois rester parmi ce peuple pour le sentir. Parce que je suis à son service.

Vous êtes au devant de la scène à cause d’une affaire de gestion des fonds alloués par la présidence de la République pour la couverture médiatique de la récente visite du Pape au Cameroun. Il y a eu beaucoup de contradictions et de polémiques sur le montant total de ces fonds. Quelle était la somme exacte de l’enveloppe reçue par vos services et quel usage en avez-vous fait ?
Je ne sais pas pourquoi on tient compte de tous ces montants que des gens non qualifiés balancent dans la presse depuis si longtemps. La première fois que la question m’a été posée, c’était au cours d’une émission à Canal 2, lorsque j’étais en tournée à Douala. J’ai dit et je le répète, que le chef de l’Etat a ordonné le déblocage de 770 (sept cent soixante dix) millions Fcfa pour la préparation de la couverture de la visite du Pape au Cameroun. Cet argent est parvenu en quatre tranches au ministre de la Communication que je suis, et qui devait le répartir. La première tranche est arrivée jeudi 26 février 2009 en milieu d’après-midi. C’était 250 millions Fcfa, qui me sont arrivés dans un sac porté par deux ou trois gaillards. La deuxième tranche, toujours de 250 millions Fcfa, est arrivée le lendemain. La troisième tranche, 200 millions Fcfa, est arrivée le 4 mars 2009. La quatrième et dernière tranche, exclusivement consacrée à la location des écrans géants, est arrivée une semaine avant l’arrivée du Pape. C’est-à-dire le 10 mars. Elle était de 70 millions Fcfa. Lorsqu’on fait le total, on est à 770 Fcfa millions.

Comment avez-vous réparti cet argent ?
La Crtv a reçu 450 millions Fcfa. La Camtel qui devait nous aider au niveau de l’apport de la fibre optique a reçu 140 millions Fcfa. La Sopecam, société éditrice de Cameroon Tribune, a reçu 40 millions Fcfa. Le ministère de la Communication a reçu 140 millions Fcfa dont les 70 millions Fcfa que je signalais tout à l’heure, et qui constitue la cagnotte réservée à la location des écrans géants. Voilà, il n’y a pas d’autre vérité. La vérité de ce chiffre ne peut sortir que de ma bouche. Je l’ai déjà sortie mille et une fois, mais on revient toujours sur la même question.

On constate que la presse dite privée n’a rien reçu de ces fonds pourtant destinés à la couverture médiatique de la visite papale. Doit-on comprendre que cette presse n’est pas prise en considération par celui qui a ordonné le déblocage de cette allocation spéciale, et par vous-même, ministre de la Communication ?
Ce qui a été fait avec ces fonds a servi aussi bien à la presse à capitaux privés qu’à la presse à capitaux publics. Le centre de presse public n’était pas interdit à la presse privée. Au contraire ! Le dîner de presse était ouvert à tous les médias. Je dirai même que le Cameroun tout entier en a profité. J’entends certaines langues dire que la visite du Pape nous a coûté trop cher. Quand vous recevez quelqu’un, vous faîtes quand même attention. Vous voyez si vous n’avez pas des verres dépareillés, etc. Et quand vous achetez ces verres, votre invité ne va pas les emporter avec lui à la fin de la visite. Ça reste votre patrimoine.

Revenons en aux médias à capitaux privés qui ont été lésés dans votre répartition. Pourquoi n’ont-ils pas aussi bénéficié de l’argent en espèces, au même titre que les médias à capitaux publics, pour assurer une couverture optimale de cet événement d’envergure ? Pensez-vous qu’ils n’en avaient pas besoin ?
Ce que je dois vous dire, c’est que à cette époque, nous avions beaucoup de mal déjà…Vous vous rendez compte que c’est le 26 février que la première tranche est arrivée. Cela se passe un mois de février d’une année qui n’est pas bissextile. C’est-à-dire que ce mois n’a que 28 jours. Donc, on était très en retard. Cela dit, j’ai déjà fait mon mea culpa à la presse à capitaux privés, en lui expliquant que dans quelques jours, nous allons encore distribuer l’aide à la presse privée. J’ai mis la pression sur mes collaborateurs pour mettre en route ce dossier-là.

On aimerait quand même savoir si vous avez tenu compte des besoins de cette presse privée dans le budget de couverture que vous avez soumis à la présidence de la République et qui a abouti au déblocage des fonds querellés.
Absolument. Mais ce que j’ai demandé, je ne l’ai pas obtenu. En plus, ce que j’ai reçu est arrivé, au compte goutte, à la dernière minute.

Si ce n’est pas indiscret, peut-on savoir combien vous avez demandé pour la couverture médiatique de la visite papale, et quelle proportion vous entendiez réserver aux médias à capitaux privés ?
J’ai demandé un milliard Fcfa. S’agissant de la part de la presse privée, je dirais que ce débat est derrière nous et il serait inutile d’en reparler. Nous en tirons toutes les leçons possibles. Regardons devant nous. Mais je dis à la presse publique et privée que je suis votre tuteur. J’ai aussi des griefs vis-à-vis de vous. La façon dont vous me traitez ne montre pas que vous me considérez comme votre tuteur. Vous me traitez avec une brutalité inimaginable. Jamais dans ce pays, je n’ai vu une campagne de presse de cette nature contre un ministre en exercice. Et c’est votre ministre que vous jetez en pâture comme ça, pour des faits non avérés.

Il se trouve pourtant que vous avez fait déposer 130 millions des 140 millions Fcfa que vous avez réservés au ministère de la Communication dans votre compte personnel à la Sgbc. Ce qui est condamné par la loi. D’où le soupçon de détournement de fonds publics qui pèse sur vous. Comment en êtes-vous arrivé là ?
Je vous refais le film de l’opération. Nous sommes le 26 février 2009. Dans la matinée, je participe à un Conseil de cabinet présidé par le Premier ministre, chef du gouvernement. Le principal sujet à l’ordre du jour, c’est l’insécurité dans les édifices publics. A cette époque, on venait d’assister au cambriolage opéré à la Délégation générale à la Sûreté nationale, qui est un édifice gardé par la police. On venait aussi d’assister à un cambriolage au ministère de la Défense. Et le gouvernement s’est donc réuni autour de ces problèmes d’insécurité dans les édifices publics. Dans l’après-midi de ce jour-là, j’attendais un chéquier du trésor, avec lequel je devais tirer des chèques à remettre aux différents acteurs, les médias publics, Camtel et autres. Au lieu de ce chéquier du trésor, c’est un sac d’argent contenant 250 millions Fcfa, que trois gaillards font entrer dans mon bureau. Nous sommes en fin d’après-midi du jeudi, 26 février 2009. Qu’est-ce que je fais ? J’appelle ceux qui ont une part dans cet argent, c’est-à-dire, la Crtv, la Camtel et la Sopecam, de venir rapidement. Cet argent n’a pas séjourné plus de 30 minutes dans mon bureau. J’ai d’ailleurs demandé à mes collaborateurs qui me l’ont apporté, si on les a vus entrer dans mon bureau avec un sac aussi gros. A titre anecdotique, le ministre délégué aux Finances m’a passé un coup de fil pour s’assurer que cet argent m’est parvenu. Puis il m’a dit : “ Tu vois donc que, quand les gens disent qu’on a mis un milliard dans la malle arrière d’une voiture, ce n’est pas tout à fait ça ”. Ça dit ce que ça dit. Mais moi, je suis paniqué, dans le contexte que je vous ai décrit, par tant d’argent dans mon bureau. Ma volonté est de faire sortir cet argent rapidement, et de le sécuriser. Pour la partie de cet argent qui doit être gérée par le ministère de la Communication, je me demande où je dois la garder. J’appelle mon banquier, qui s’appelle M. Hamidou. C’est le responsable adjoint de la Sgbc Marché. Chacun peut aller le voir pour vérifier mes déclarations. Je lui ai dit de me trouver un coffre-fort avec deux clés, dont l’une pour mon Dag, et l’autre pour eux là-bas à la banque. Ainsi, on pourra sécuriser les 70 millions Fcfa qu’on venait de m’apporter. Il me répond que la Sgbc n’offre pas ce service-là. Cette banque a l’avantage de se situer non loin de mon cabinet ministériel. Il me propose de mettre cet argent dans mon compte bancaire, à condition que je lui en dise l’origine et la destination. Là, il est question d’en apporter les justificatifs.

En dehors de votre compte personnel, n’y avait-il pas possibilité de virer cet argent dans un compte neutre, à défaut de celui du ministère de la Communication?
J’en profite pour rappeler aux Camerounais que depuis 2005, il est interdit aux départements ministériels d’ouvrir des comptes dans les banques commerciales. Je suis bien placé pour le savoir parce que j’étais secrétaire général de ministère à cette époque-là. Alors, où diable voulait-on que j’aille mettre cet argent-là ? Si je voulais le détourner, je serais allé cacher cet argent chez moi au village. Est-ce que la seule façon de détourner de l’argent, c’est d’aller le mettre à la banque ? Et, ce n’est même pas moi qui ai effectué cette opération. J’ai envoyé mon directeur des affaires générales, madame Ndzié Chantal qui s’occupe des affaires financières. A ce moment-là, la difficulté que j’ai est la suivante : la lettre qui accompagne cet argent n’est pas encore dans mes services. Je le fais savoir au banquier qui me répond que je justifierai plus tard. Je lui dis, je te donne ma parole d’honneur, que c’est de l’argent qui va servir au Pape. La mention qui est mise sur le bordereau de versement, c’est “ versement par lui-même ”. Pourquoi ? Parce qu’il sait que je vais justifier, mais je ne l’ai pas encore fait. Le seul patron du banquier, c’est Thomas. Il veut voir de ses yeux les justificatifs avant de mettre autre chose. Et quand vous voyez le deuxième versement [60 millions de Cfa, Ndlr] qui intervient le 10 mars, il est mentionné “ versement pour l’arrivée du Pape ”. C’est écrit. Je vais le publier. D’ailleurs, j’ai décidé de publier mes relevés bancaires. Les gens cassent la tête aux Camerounais pour une affaire qui n’en est pas une.

Ce qui suscite tous ces commentaires, c’est déjà le fait de mettre de l’argent public dans un compte privé. C’est un délit !
J’ai mis de l’argent public dans un compte privé ? Oui ! Mais cet argent public dans mon compte privé porte la marque péremptoire que c’est de l’argent public, parce que c’est écrit, “ versement pour l’arrivée du Pape ”. Ça veut dire quoi ? S’il arrivait que je meure ce jour-là, mes ayants-droit n’auraient pas pu récupérer cet argent. Ils auraient eu à en expliquer la provenance.

Cet argument n’est pas valable pour la première partie du versement qui portait provisoirement la mention “ versement par moi-même ” !
Pas du tout ! Parce que j’avais promis les justificatifs au banquier qui les attendait. Depuis un certain nombre d’années, il est impossible de mettre plus de 5 millions Fcfa à la banque sans en justifier l’origine. Donc, le banquier savait que je venais avec les justificatifs. Et, verbalement, je lui avais déjà dit d’où venait cet argent et à quoi cela allait servir.

Peut-on savoir comment vous avez utilisé ces 130 millions Fcfa virés dans votre compte ?
J’ai le compte d’emploi que vous pouvez consulter si vous le voulez.

Avec pratiquement la moitié de cet argent, vous aurez accordé un marché de livraison des écrans géants à une société gabonaise. Mais pour beaucoup, il s’agirait d’une société fictive. Car, dans le même temps, une société camerounaise affirme avoir gagné ce marché, pour un montant dérisoire ; très en deçà de la somme qui est avancée par vos collaborateurs, qui auraient fait de la surfacturation, avec votre complicité. Qui a finalement gagné le marché des écrans géants et pour quel montant ?
J’ai lu dans un journal la photocopie d’une facture, d’une certaine société de droit camerounais [Gic Afric Images, dirigé par un Camerounais du nom de Joël Ewonde, Ndlr]. Cela n’a rien à y voir. Là également, je vais publier mes correspondances avec ma hiérarchie, relatives à ces écrans géants. Vous verrez que le 7 mars 2009, j’ai écrit à ma hiérarchie pour lui faire part des négociations avec la firme allemande CI Vidéo Rental Gmbh, qui est prête à nous placer deux écrans géants contre 350 912 000 Fcfa. Je trouve le chiffre assez fort. Mais, c’est la dernière proposition des Allemands. Quelques jours après, par l’entremise de l’une de mes connaissances, l’artiste Seba Georges (maintenant, je suis prêt à me dévêtir, parce que les gens disent trop de bêtises sur Biyiti), me dit qu’à Libreville, il y a une société qui fait dans la location de la sonorisation et des écrans géants. Je vais t’aider à entrer en contact avec eux. Et il appelle effectivement un monsieur Manyanga avec qui j’entre en contact. Et ce monsieur Manyanga me dit qu’il peut me fournir 4 écrans géants à 70 millions Fcfa tout compris, et même le transport par avion. Nous sommes à une semaine de l’arrivée du Pape. Il faut faire vite. Les gens ne se représentent pas le contexte dans l’obligation de résultat. C’est la guerre. Je dois la gagner. J’écris donc à ma hiérarchie le 9 mars pour lui présenter cette proposition qui vient du Gabon, et qui est très abordable. D’autant plus que le Gabon n’est pas très loin, par rapport aux écrans qui viendraient d’Allemagne. Et M. Manyanga exige 50% de son dû pour s’engager. L’argent est disponible dans mon compte. Je consulte mon banquier pour lui faire un transfert d’argent. Il me présente les formalités à remplir et je constate que je ne peux pas y arriver. Monsieur Manyanga est disposé à venir chercher son argent ici au Cameroun. Mais les 50% qu’il exige, représentent 35 millions Fcfa, c’est beaucoup d’argent. J’appelle l’ambassadeur du Cameroun au Gabon, qui me déconseille cette démarche consistant à donner de l’argent à quelqu’un dont je ne connais pas la société. Il me demande de mettre un de mes collaborateurs en mission au Gabon pour voir sur place ce que fait cette société. J’envisage donc une opération kamikaze. C’est-à-dire, on prend de l’argent dans un sac, on apporte ça chez ces gens là ; ils nous mettent les écrans géants dans l’avion et on en finit.

Le collaborateur que vous choisissez pour cette mission n’aurait pas le profil, selon certains cadres de votre ministère, qui estiment que vous avez fait confiance à quelqu’un que vous pouvez facilement manipuler et embarquer dans des transactions pas transparentes. Qu’en dites-vous ?
Quand l’ambassadeur me demande de lui donner le nom de mon collaborateur qui arrive au Gabon pour cette mission-là, je pense d’abord à Monsieur Kaptché Simo, qui est le chef de service du budget, et donc, habitué aux affaires d’argent. Mais celui-ci n’a pas de passeport. J’ai un autre collaborateur, un gars très sérieux, Coco Simo à qui je confie cette mission, puisqu’il a un passeport valide. Pour faire vite, l’ambassadeur du Cameroun au Gabon lui achète un billet d’avion en prépaid. Quant à moi, je vais prendre 35 millions Fcfa à la banque. On peut suivre ça à la trace sur mon compte bancaire. Etant donné que ce voyage n’était pas prévu dans le budget, je demande à mon directeur des affaires générales de prendre sur une caisse d’avance, je crois de la médiascopie, 500 mille Fcfa et de les donner à M. Coco comme frais de mission ; de lui remettre ensuite 240 mille Fcfa pour le remboursement du billet d’avion à l’ambassadeur du Cameroun à Libreville ; de donner 100 mille Fcfa à mon chauffeur parce que j’ai mis ma propre voiture en route ; de donner 100 mille Fcfa à mon garde de corps. Tout cela constitue les frais de missions et j’y ajoute les frais de risques. Je lui demande aussi de débloquer 60 mille Fcfa comme forfait carburant. C’est ainsi que dans la soirée, la voiture prend la route de Douala où le départ du vol était prévu. Et quelques jours après, les écrans géants étaient débarqués à l’aéroport. Ensuite, j’ai délivré 14 accréditations aux techniciens gabonais conduits par M. Manyanga lui-même. J’ai demandé ces accréditations le 14 mars 2009 à ma hiérarchie, pour qu’ils puissent faire sereinement leur travail qui s’est achevé le 20 mars 2009. Ce jour là, M. Manyanga a perçu son reliquat de 35 millions Fcfa. Lors de la décharge, j’exige qu’il me laisse la photocopie de son passeport. Ce qu’il fait. Voilà donc comment j’ai géré cet argent. Mais à écouter ce qu’on raconte à propos, je n’en crois pas mes oreilles.

Vous avez été auditionné par le directeur de la police judiciaire à Yaoundé et par le procureur de la République près le tribunal de grande instance du Mfoundi. Que vous reproche-t-on ?
On me demande pourquoi j’ai mis de l’argent public dans un compte privé. Et j’explique. C’est la principale question jusque-là. Mais je voudrais retourner cette question à mes accusateurs, dites-moi où je devais mettre cet argent ? Vous vouliez que je mette cet argent chez moi à Mendong, qui n’est pas suffisamment gardé, pour qu’on vienne trucider mes enfants avant de le voler ? Dans ce cas, on aurait même dit que j’ai détourné de l’argent en simulant un coup de vol. Au ministère où je n’ai pas de coffre-fort, ce n’était pas prudent non plus, dans un contexte d’insécurité généralisée des édifices publics. Moi je suis ministre. C’est-à-dire, je prends mes responsabilités. Et si le chef de l’Etat avait pensé que j’étais une mauviette, il ne m’aurait pas mis là. J’ai pris ma décision. Je pense que c’est celle que je devais prendre à ce moment-là. La seule question qui vaille aujourd’hui la peine d’être posée, c’est de savoir, qu’est-ce que Biyiti a fait de cet argent ?

Pouvez-vous parier que le solde de votre compte avant le virement des fonds publics est resté le même après le départ du Pape ? N’y avez-vous pas retenu une somme pour vous-même. Autrement dit, pouvez-vous affirmer que vous n’avez pas porté le doigt à la bouche en gérant ces fonds ?
Cet argent est entré dans mon compte et en est ressorti dans un intervalle de trois semaines. J’ai 4 comptes bancaires. J’en publie les numéros demain (ce lundi 27 avril 2009). Dans les quatre comptes bancaires, il y avait dix millions cent trente-deux mille six cent vingt cinq (10 132 625) Fcfa. Après le départ du pape, il y avait dans ces comptes 10 306 020 francs Cfa (dix millions trois cent six mille vingt). Le Pape ne m’a pas enrichi. Il n’y a aucun argent que j’ai distrait. Je vais même vous faire une confidence. Seuls ma femme, mon garde de corps et mon chauffeur savent que du 14 au 18 mars 2009, j’ai pris une chambre au Hilton à mes frais pour être plus prêt des théâtres où j’avais à travailler, du centre de presse au Bois Sainte Anastasie en passant par mon bureau. J’ai demandé au Hilton de me produire la facture. Elle est de six cent trente-quatre mille (634 000) Fcfa. Je l’ai et je vais la publier. Le jour où j’avais constaté que la sonorisation de la Crtv qu’on est allée acheter en Italie est déjà là, j’étais tellement content que j’ai donné 70 000 Fcfa aux techniciens qui essayaient ces équipements à la Crtv. C’était un samedi. Dois-je mettre cet argent dans les dépenses publiques liées à la couverture de la visite du Pape ? Je suis le ministre de la Communication. Je peux faire des choses. Je n’attends pas l’argent du Pape pour agir. Le chef de l’Etat me donne un budget de six milliards Fcfa que je gère rigoureusement. Est-ce compréhensible que j’attende l’argent du Pape pour me remplir les poches comme certains le prétendent ? Les gens sont entrain de monter de toutes pièces une machination grossière.

Certains de vos collaborateurs que nous avons rencontrés avant cet entretien disent que vous êtes très zélé et que vous les traitez avec du mépris. Est-ce un jugement trop dur ? Vous-y reconnaissez-vous ?
Dans le zèle oui ! Mais, le mépris, non ! Trois fois non !!! Je suis un homme qui respecte les autres. Vous avez sélectionné les personnes vers qui vous diriger. Je crois qu’il y en a d’autres aussi qui apprécient ce que je fais à sa juste valeur. Ils sont contents de la décision que j’ai prise [les récentes nominations au Mincom, Ndlr]. Mais devant leurs chefs, ils n’osent pas se prononcer. J’aime que les choses avancent. Je suis aussi pour l’équité, la justice.

Il se dit que vous avez tiré un ancien cadre du ministère de sa retraite pour venir gérer ces fonds destinés à la couverture médiatique de la visite du Pape, alors qu’au ministère il y a bien des personnes compétentes pour cela. Qu’en est-il exactement ?
Voilà un exemple patent de la désinformation qui sévit au ministère. Avant que je n’arrive au ministère de la Communication, il avait été nommé par mes prédécesseurs, directeur des médias privés et de la publicité. L’année dernière, il a été atteint par la limite d’âge. Il n’est pas seul dans ce cas. D’autres directeurs dans les services centraux et dans les centres de presse sont atteints par la limite d’âge. J’ai fait des propositions pour le remplacement de tous les collaborateurs atteints par la limite d’âge. Ces propositions de nomination ont été transmises le 5 janvier 2009 dans les services du Premier ministre pour visa. Je peux vous dire que, s’agissant des décrets, c’est le Premier ministre qui les signe. Avant de le faire, il les envoie pour visa à la Présidence. En ce qui concerne les textes que je suis habileté à signer, les services du Premier ministre mettent un visa et me les renvoient. C’est le cas pas exemple des arrêtés de nomination des directeurs et des chefs de service. Et ces arrêtés qui ont déjà reçu le visa des services du Premier ministre ont été publiés, dans l’attente de la signature des autres textes. Vous vous rappelez qu’il y a quelques semaines, votre journal a titré à la Une : “ Les nominations de Biyiti Bi Essam rejetées à la présidence de la République ”. Je ne le savais pas. Je sais que c’est encore à l’étude là-bas. Je n’ai donc pas ressuscité Mvotto Obonou. Mais je voudrais que l’on retienne qu’il n’est pas le seul directeur des services centraux atteint par la limite d’âge. Seulement, le décret présidentiel devant le remplacer est encore attendu. On a d’ailleurs dit que c’est lui qui a géré les fonds du Pape. Lorsque vous regardez la répartition qui en a été faite, où apparaît le nom de ce monsieur ?

Comment appréciez-vous la procédure judiciaire en cours contre vous ?
Elle est prématurée. Voilà ce que je dirais tout simplement. D’ailleurs, la procédure judiciaire n’est pas encore déclenchée. Actuellement, on est encore dans les auditions et les enquêtes préliminaires au niveau de la police judiciaire.

Vous étiez déjà devant le procureur. A votre avis, qu’est-ce qui a manqué jusqu’ici dans la mise en place de ce feuilleton. Croyez-vous qu’il s’agit d’une judiciarisation précoce d’une affaire qui aurait due être d’abord administrative ?
Je ne suis pas juriste. Mais en toute logique, j’aurais imaginé que mes patrons me servent une demande d’explications, en me demandant pourquoi j’ai mis de l’argent public dans un compte privé. Je leur aurais expliqué ce qui s’est passé, comme je viens de le faire avec vous, et ils auraient décidé de la suite à donner à cette affaire, qui, de mon point de vue, est une faute administrative. C’est une faute de gestion qui, en aucun cas, ne peut être assimilé à un délit ou à une intention délictuelle. Si la loi dit qu’il ne faille pas mettre de l’argent public dans un compte privé, vous savez qu’il y a la loi, mais il y a aussi l’esprit de cette loi. Et là, l’esprit de cette loi, c’est que cet argent doit être conservé pour servir l’intérêt public. Et je démontre que c’est ce que j’ai fait. On se croirait dans une comédie de Molière où on se trouve à expliquer une histoire où on n’a mis que sa bonne volonté.

Vous parlez d’une machination. Selon vous, que vous reprocheraient vos détracteurs, si vous en avez, tels que vous le laissez croire ?
On me reproche beaucoup de choses. D’aucuns trouvent que je suis trop rigoureux. Je vais vous raconter une anecdote. Quand je suis arrivé au ministère de la Communication en septembre 2007, nous étions en fin d’exercice budgétaire. J’ai pris la décision de responsabiliser tous mes directeurs. J’ai donné la signature comme on dit, à tous mes directeurs. En général, on n’a pas le souci du résultat dans les services publics. Or, je suis quelqu’un qui a le souci du résultat. A la fin de l’année, je les ai appelés, pour leur demander ce qu’ils ont fait de la signature que je leur ai déléguée. Il n’y avait pas de résultats. Je m’en fous de la gloire. J’ai été nommé par décret du chef de l’Etat. Je leur ai retiré cette signature. Ce qui n’a pas été du goût de beaucoup.

Quel est votre état d’esprit après votre audition durant plus de 3 heures de temps à la direction de la police judiciaire, et ensuite, chez le procureur ?
Je suis toujours à rechercher le crime que j’ai commis. Si le chef de l’Etat conserve la haute confiance qu’il a placée en moi, je serai encore là, et présent à mon bureau aux mêmes jours et heures que d’habitude.

Vous êtes visiblement ébranlé par cette affaire. Pourtant nous avons lu dans un journal de la place que vous étiez serein, malgré tout. Le journaliste reprenait vos propos !
Tout à fait, je suis serein. Je n’ai tué personne. J’ai peut-être commis une faute de gestion en allant mettre de l’argent public dans un compte privé. Mais j’ai expliqué ce que j’ai fait de cet argent, et les gens ont vu les résultats. Je suis serein. Maintenant, il faut reconnaître que je suis justiciable. Et si la Justice de mon pays estime que j’ai commis un délit, je suis là. Je suis un citoyen ordinaire.

Pas tout à fait, monsieur le ministre. Vous avez une dizaine de téléphones portables pour vous tout seul. C’est assez extraordinaire ça ! Est-ce un signe extérieur de richesse ?
J’ai été secrétaire général du ministère des Postes et télécommunications, et de temps en temps, les opérateurs de téléphonie m’en offraient. Ce n’est pas un signe extérieur de richesse. C’est simplement que j’aime ça.

Vous auriez pu en offrir à votre tour, pour éviter d’être encombré de la sorte. Au fait, comment utilisez-vous tout ça ?
J’en ai offert. Mais laissez-moi aussi faire ce qui me plaît. Je ne sais pas qui ça dérange que j’aie trois, quatre, cinq téléphones et même plus, comme c’est le cas en ce moment.

Ça ne vous perturbe pas dans votre travail quotidien ?
Ils ne sonnent pas tous au même moment. Depuis que vous êtes là, ça a sonné combien de fois ?

Plus d’une dizaine de fois en moins d’une heure. Ce n’est pas beaucoup ?
Ah non ! (Rire). Le téléphone est un outil de travail et de distraction. Parmi mes téléphones, il y en a un qui a sa télévision. Je dois vous avouer que je suis très amoureux des nouvelles technologies. Je voudrais être quelqu’un qui vit pleinement la société de l’information. Et je peux vous dire que la première décision que j’ai prise en arrivant au ministère de la Communication, c’était d’y mettre la fibre optique. Et j’ai déjà demandé à la direction générale de Camtel de mettre la fibre optique à la maison de la communication que je vous invite à visiter.

Quelle est l’attitude de vos proches depuis le déclenchement de cette affaire de fonds destinés à la visite papale ?
Je reçois d’eux beaucoup d’encouragements. Mon e-mail est plein de messages. Je reçois aussi beaucoup de Sms. C’est un réconfort. Je peux vous en lire un. “ Bonjour ! Je t’envoie ce Sms pour un soutien moral. Je sais tout de même que, tu es aussi intelligent que Pythagore. (…) Tiens bon. ”.

Que disent vos collègues du gouvernement ?
Il y’en a qui me demandent ce qui se passe. Puis, ils sourient. Vous savez, chacun se retrouve chez le coiffeur. (Rires)

Quelle est votre feuille de route pour les mois à venir ?
Je vais vous la faire tenir. Déjà, je peux dire en résumé que nous allons inaugurer très prochainement le centre de presse qui est un bijou architectural. Nous allons également accélérer le déblocage de l’aide publique à la communication privée.

Le montant de cette aide est jugé minable par certains patrons de presse qui l’ont toujours boudée. Ils se plaignent aussi de la répartition complaisante de cette modeste enveloppe qui fait la part belle à ces titres qui apparaissent de façon sporadique dans les kiosques, et surtout, à l’approche du partage de cet argent.
C’est vrai que l’aide publique à la presse fait l’objet de critiques diverses. C’est très important que vous voyiez un peu ma feuille de route, qui prévoit la révision à la hausse de cette enveloppe pour l’année 2009. Nous entendons aussi être plus rigoureux dans la sélection des bénéficiaires. Je discute beaucoup avec la presse privée pour qui j’ai de la considération. D’où ma récente tournée auprès de ces entreprises à Douala. Je pense très sérieusement à d’autres formes de financement des activités médiatiques, notamment la mise sur pied d’un fonds de développement des activités médiatiques. J’en ai discuté avec ces patrons de presse privée lors de ma tournée. La publicité et bien d’autres activités génèrent beaucoup de revenus. Nous pensons qu’au lieu que tous ces revenus y compris les taxes qui sont générées, soient totalement mis dans la caisse unique de l’Etat, il convient qu’on ait une partie pour aider à soutenir le développement de ces médias.

Un vœu ou dernier mot pour conclure cette interview, monsieur le Ministre ?
Je souhaite que cette campagne, ce lynchage, qui a été déclenché pour une raison que je ne connais pas, prenne fin. Et que nous nous remettions au travail. Nous sommes là pour apporter notre contribution à l’œuvre de redressement du Cameroun. Nous sommes en train de sortir d’une crise qui a duré près de vingt ans. Il y’en a une autre qui est là en ce moment. Nous devons perdre le moins de temps possible à faire de fausses querelles. Ce qui m’inquiète, c’est que parfois, certains Camerounais pensent qu’on peut développer le pays sans travailler. Et cette frange de la population, qui pense qu’on peut se développer en dormant, est assez importante. C’est ce qui nous vaut aujourd’hui d’attendre que les Thaïlandais nous envoient le riz alors que nous avons des terres, des marécages. Je dis trêve de balivernes. Remettons nous au travail !
 

Par Entretien avec Marie-Noëlle Guichi

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Jean Pierre Biyiti Bi Essam ; “ La procédure judiciaire contre moi n’est pas encore déclenchée ”

Jean Pierre Biyiti Bi Essam, ministre de la Communication

Le ministre de la Communication, Jean Pierre Biyiti Bi Essam est au-devant de l’actualité depuis la récente visite du Pape Benoît XVI au Cameroun du 17 au 20 mars dernier. Après plusieurs articles parus dans la presse dévoilant une gestion peu orthodoxe des fonds alloués par la présidence de la République pour la couverture médiatique de ce grand événement, il a été entendu jeudi dernier chez le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Yaoundé. Il déférait ainsi à une convocation de la police judiciaire. Son audition aurait duré trois bonnes heures d’horloge. Il était appelé à répondre de la gestion de ces fonds, dont une partie, 130 millions Fcfa, a été virée dans son compte personnel à la Société générale des Banques du Cameroun. Ce qui est interdit par la loi. Du coup, des soupçons de détournement pèsent sur le Mincom, et certains de ses collaborateurs qui sont intervenus dans cette opération. Beaucoup parmi eux ont également été entendus à la police judiciaire, où ils ont été appelés à expliquer cet acte qualifié de délictuel. Mais pour Jean Pierre Biyiti Bi Essam, que nous avons rencontré hier, à sa résidence du Camp Sic Mendong, il s’agit juste d’une faute de gestion. Il attribue la cabale actuelle à ses détracteurs qui seraient opposés à sa gestion par trop rigoureuse des activités du ministère. Il évoque le climat actuel au Mincom, lève un pan de voile sur sa personne. De même qu’il résume sa feuille de route pour 2009, qu’il entend réaliser si le chef de l’Etat lui renouvelle sa haute confiance, en dépit du mauvais vent qui souffle autour de lui actuellement.

Monsieur le ministre, vous habitez le camp Sic Mendong, dans un cadre étroit et modeste. Est-ce digne d’une République ?
Il n’y a pas de mal à cela. Je suis arrivé ici il y a une vingtaine d’années. Et je me plais toujours à dire que lorsqu’il y’aura un maire à Mendong, je serai le premier à l’être. Je suis arrivé ici en 1990. Il n’y avait pas encore grand monde dans ce quartier. Dans le grand immeuble d’en face, il n’y avait même pas un chat. Votre question se pose effectivement par d’autres personnes. Deux semaines après mon entrée au gouvernement, on a dit à mon épouse à la sortie du culte qu’on a appris que nous habitons déjà Bastos. Mon épouse a rassuré son interlocuteur, en lui disant que nous sommes toujours à Mendong. Je n’ai pas voulu que ma fonction de ministre me change. J’ai gardé tous mes numéros de téléphone. Je ne peux pas fuir le peuple. Au contraire, je dois rester parmi ce peuple pour le sentir. Parce que je suis à son service.

Vous êtes au devant de la scène à cause d’une affaire de gestion des fonds alloués par la présidence de la République pour la couverture médiatique de la récente visite du Pape au Cameroun. Il y a eu beaucoup de contradictions et de polémiques sur le montant total de ces fonds. Quelle était la somme exacte de l’enveloppe reçue par vos services et quel usage en avez-vous fait ?
Je ne sais pas pourquoi on tient compte de tous ces montants que des gens non qualifiés balancent dans la presse depuis si longtemps. La première fois que la question m’a été posée, c’était au cours d’une émission à Canal 2, lorsque j’étais en tournée à Douala. J’ai dit et je le répète, que le chef de l’Etat a ordonné le déblocage de 770 (sept cent soixante dix) millions Fcfa pour la préparation de la couverture de la visite du Pape au Cameroun. Cet argent est parvenu en quatre tranches au ministre de la Communication que je suis, et qui devait le répartir. La première tranche est arrivée jeudi 26 février 2009 en milieu d’après-midi. C’était 250 millions Fcfa, qui me sont arrivés dans un sac porté par deux ou trois gaillards. La deuxième tranche, toujours de 250 millions Fcfa, est arrivée le lendemain. La troisième tranche, 200 millions Fcfa, est arrivée le 4 mars 2009. La quatrième et dernière tranche, exclusivement consacrée à la location des écrans géants, est arrivée une semaine avant l’arrivée du Pape. C’est-à-dire le 10 mars. Elle était de 70 millions Fcfa. Lorsqu’on fait le total, on est à 770 Fcfa millions.

Comment avez-vous réparti cet argent ?
La Crtv a reçu 450 millions Fcfa. La Camtel qui devait nous aider au niveau de l’apport de la fibre optique a reçu 140 millions Fcfa. La Sopecam, société éditrice de Cameroon Tribune, a reçu 40 millions Fcfa. Le ministère de la Communication a reçu 140 millions Fcfa dont les 70 millions Fcfa que je signalais tout à l’heure, et qui constitue la cagnotte réservée à la location des écrans géants. Voilà, il n’y a pas d’autre vérité. La vérité de ce chiffre ne peut sortir que de ma bouche. Je l’ai déjà sortie mille et une fois, mais on revient toujours sur la même question.

On constate que la presse dite privée n’a rien reçu de ces fonds pourtant destinés à la couverture médiatique de la visite papale. Doit-on comprendre que cette presse n’est pas prise en considération par celui qui a ordonné le déblocage de cette allocation spéciale, et par vous-même, ministre de la Communication ?
Ce qui a été fait avec ces fonds a servi aussi bien à la presse à capitaux privés qu’à la presse à capitaux publics. Le centre de presse public n’était pas interdit à la presse privée. Au contraire ! Le dîner de presse était ouvert à tous les médias. Je dirai même que le Cameroun tout entier en a profité. J’entends certaines langues dire que la visite du Pape nous a coûté trop cher. Quand vous recevez quelqu’un, vous faîtes quand même attention. Vous voyez si vous n’avez pas des verres dépareillés, etc. Et quand vous achetez ces verres, votre invité ne va pas les emporter avec lui à la fin de la visite. Ça reste votre patrimoine.

Revenons en aux médias à capitaux privés qui ont été lésés dans votre répartition. Pourquoi n’ont-ils pas aussi bénéficié de l’argent en espèces, au même titre que les médias à capitaux publics, pour assurer une couverture optimale de cet événement d’envergure ? Pensez-vous qu’ils n’en avaient pas besoin ?
Ce que je dois vous dire, c’est que à cette époque, nous avions beaucoup de mal déjà…Vous vous rendez compte que c’est le 26 février que la première tranche est arrivée. Cela se passe un mois de février d’une année qui n’est pas bissextile. C’est-à-dire que ce mois n’a que 28 jours. Donc, on était très en retard. Cela dit, j’ai déjà fait mon mea culpa à la presse à capitaux privés, en lui expliquant que dans quelques jours, nous allons encore distribuer l’aide à la presse privée. J’ai mis la pression sur mes collaborateurs pour mettre en route ce dossier-là.

On aimerait quand même savoir si vous avez tenu compte des besoins de cette presse privée dans le budget de couverture que vous avez soumis à la présidence de la République et qui a abouti au déblocage des fonds querellés.
Absolument. Mais ce que j’ai demandé, je ne l’ai pas obtenu. En plus, ce que j’ai reçu est arrivé, au compte goutte, à la dernière minute.

Si ce n’est pas indiscret, peut-on savoir combien vous avez demandé pour la couverture médiatique de la visite papale, et quelle proportion vous entendiez réserver aux médias à capitaux privés ?
J’ai demandé un milliard Fcfa. S’agissant de la part de la presse privée, je dirais que ce débat est derrière nous et il serait inutile d’en reparler. Nous en tirons toutes les leçons possibles. Regardons devant nous. Mais je dis à la presse publique et privée que je suis votre tuteur. J’ai aussi des griefs vis-à-vis de vous. La façon dont vous me traitez ne montre pas que vous me considérez comme votre tuteur. Vous me traitez avec une brutalité inimaginable. Jamais dans ce pays, je n’ai vu une campagne de presse de cette nature contre un ministre en exercice. Et c’est votre ministre que vous jetez en pâture comme ça, pour des faits non avérés.

Il se trouve pourtant que vous avez fait déposer 130 millions des 140 millions Fcfa que vous avez réservés au ministère de la Communication dans votre compte personnel à la Sgbc. Ce qui est condamné par la loi. D’où le soupçon de détournement de fonds publics qui pèse sur vous. Comment en êtes-vous arrivé là ?
Je vous refais le film de l’opération. Nous sommes le 26 février 2009. Dans la matinée, je participe à un Conseil de cabinet présidé par le Premier ministre, chef du gouvernement. Le principal sujet à l’ordre du jour, c’est l’insécurité dans les édifices publics. A cette époque, on venait d’assister au cambriolage opéré à la Délégation générale à la Sûreté nationale, qui est un édifice gardé par la police. On venait aussi d’assister à un cambriolage au ministère de la Défense. Et le gouvernement s’est donc réuni autour de ces problèmes d’insécurité dans les édifices publics. Dans l’après-midi de ce jour-là, j’attendais un chéquier du trésor, avec lequel je devais tirer des chèques à remettre aux différents acteurs, les médias publics, Camtel et autres. Au lieu de ce chéquier du trésor, c’est un sac d’argent contenant 250 millions Fcfa, que trois gaillards font entrer dans mon bureau. Nous sommes en fin d’après-midi du jeudi, 26 février 2009. Qu’est-ce que je fais ? J’appelle ceux qui ont une part dans cet argent, c’est-à-dire, la Crtv, la Camtel et la Sopecam, de venir rapidement. Cet argent n’a pas séjourné plus de 30 minutes dans mon bureau. J’ai d’ailleurs demandé à mes collaborateurs qui me l’ont apporté, si on les a vus entrer dans mon bureau avec un sac aussi gros. A titre anecdotique, le ministre délégué aux Finances m’a passé un coup de fil pour s’assurer que cet argent m’est parvenu. Puis il m’a dit : “ Tu vois donc que, quand les gens disent qu’on a mis un milliard dans la malle arrière d’une voiture, ce n’est pas tout à fait ça ”. Ça dit ce que ça dit. Mais moi, je suis paniqué, dans le contexte que je vous ai décrit, par tant d’argent dans mon bureau. Ma volonté est de faire sortir cet argent rapidement, et de le sécuriser. Pour la partie de cet argent qui doit être gérée par le ministère de la Communication, je me demande où je dois la garder. J’appelle mon banquier, qui s’appelle M. Hamidou. C’est le responsable adjoint de la Sgbc Marché. Chacun peut aller le voir pour vérifier mes déclarations. Je lui ai dit de me trouver un coffre-fort avec deux clés, dont l’une pour mon Dag, et l’autre pour eux là-bas à la banque. Ainsi, on pourra sécuriser les 70 millions Fcfa qu’on venait de m’apporter. Il me répond que la Sgbc n’offre pas ce service-là. Cette banque a l’avantage de se situer non loin de mon cabinet ministériel. Il me propose de mettre cet argent dans mon compte bancaire, à condition que je lui en dise l’origine et la destination. Là, il est question d’en apporter les justificatifs.

En dehors de votre compte personnel, n’y avait-il pas possibilité de virer cet argent dans un compte neutre, à défaut de celui du ministère de la Communication?
J’en profite pour rappeler aux Camerounais que depuis 2005, il est interdit aux départements ministériels d’ouvrir des comptes dans les banques commerciales. Je suis bien placé pour le savoir parce que j’étais secrétaire général de ministère à cette époque-là. Alors, où diable voulait-on que j’aille mettre cet argent-là ? Si je voulais le détourner, je serais allé cacher cet argent chez moi au village. Est-ce que la seule façon de détourner de l’argent, c’est d’aller le mettre à la banque ? Et, ce n’est même pas moi qui ai effectué cette opération. J’ai envoyé mon directeur des affaires générales, madame Ndzié Chantal qui s’occupe des affaires financières. A ce moment-là, la difficulté que j’ai est la suivante : la lettre qui accompagne cet argent n’est pas encore dans mes services. Je le fais savoir au banquier qui me répond que je justifierai plus tard. Je lui dis, je te donne ma parole d’honneur, que c’est de l’argent qui va servir au Pape. La mention qui est mise sur le bordereau de versement, c’est “ versement par lui-même ”. Pourquoi ? Parce qu’il sait que je vais justifier, mais je ne l’ai pas encore fait. Le seul patron du banquier, c’est Thomas. Il veut voir de ses yeux les justificatifs avant de mettre autre chose. Et quand vous voyez le deuxième versement [60 millions de Cfa, Ndlr] qui intervient le 10 mars, il est mentionné “ versement pour l’arrivée du Pape ”. C’est écrit. Je vais le publier. D’ailleurs, j’ai décidé de publier mes relevés bancaires. Les gens cassent la tête aux Camerounais pour une affaire qui n’en est pas une.

Ce qui suscite tous ces commentaires, c’est déjà le fait de mettre de l’argent public dans un compte privé. C’est un délit !
J’ai mis de l’argent public dans un compte privé ? Oui ! Mais cet argent public dans mon compte privé porte la marque péremptoire que c’est de l’argent public, parce que c’est écrit, “ versement pour l’arrivée du Pape ”. Ça veut dire quoi ? S’il arrivait que je meure ce jour-là, mes ayants-droit n’auraient pas pu récupérer cet argent. Ils auraient eu à en expliquer la provenance.

Cet argument n’est pas valable pour la première partie du versement qui portait provisoirement la mention “ versement par moi-même ” !
Pas du tout ! Parce que j’avais promis les justificatifs au banquier qui les attendait. Depuis un certain nombre d’années, il est impossible de mettre plus de 5 millions Fcfa à la banque sans en justifier l’origine. Donc, le banquier savait que je venais avec les justificatifs. Et, verbalement, je lui avais déjà dit d’où venait cet argent et à quoi cela allait servir.

Peut-on savoir comment vous avez utilisé ces 130 millions Fcfa virés dans votre compte ?
J’ai le compte d’emploi que vous pouvez consulter si vous le voulez.

Avec pratiquement la moitié de cet argent, vous aurez accordé un marché de livraison des écrans géants à une société gabonaise. Mais pour beaucoup, il s’agirait d’une société fictive. Car, dans le même temps, une société camerounaise affirme avoir gagné ce marché, pour un montant dérisoire ; très en deçà de la somme qui est avancée par vos collaborateurs, qui auraient fait de la surfacturation, avec votre complicité. Qui a finalement gagné le marché des écrans géants et pour quel montant ?
J’ai lu dans un journal la photocopie d’une facture, d’une certaine société de droit camerounais [Gic Afric Images, dirigé par un Camerounais du nom de Joël Ewonde, Ndlr]. Cela n’a rien à y voir. Là également, je vais publier mes correspondances avec ma hiérarchie, relatives à ces écrans géants. Vous verrez que le 7 mars 2009, j’ai écrit à ma hiérarchie pour lui faire part des négociations avec la firme allemande CI Vidéo Rental Gmbh, qui est prête à nous placer deux écrans géants contre 350 912 000 Fcfa. Je trouve le chiffre assez fort. Mais, c’est la dernière proposition des Allemands. Quelques jours après, par l’entremise de l’une de mes connaissances, l’artiste Seba Georges (maintenant, je suis prêt à me dévêtir, parce que les gens disent trop de bêtises sur Biyiti), me dit qu’à Libreville, il y a une société qui fait dans la location de la sonorisation et des écrans géants. Je vais t’aider à entrer en contact avec eux. Et il appelle effectivement un monsieur Manyanga avec qui j’entre en contact. Et ce monsieur Manyanga me dit qu’il peut me fournir 4 écrans géants à 70 millions Fcfa tout compris, et même le transport par avion. Nous sommes à une semaine de l’arrivée du Pape. Il faut faire vite. Les gens ne se représentent pas le contexte dans l’obligation de résultat. C’est la guerre. Je dois la gagner. J’écris donc à ma hiérarchie le 9 mars pour lui présenter cette proposition qui vient du Gabon, et qui est très abordable. D’autant plus que le Gabon n’est pas très loin, par rapport aux écrans qui viendraient d’Allemagne. Et M. Manyanga exige 50% de son dû pour s’engager. L’argent est disponible dans mon compte. Je consulte mon banquier pour lui faire un transfert d’argent. Il me présente les formalités à remplir et je constate que je ne peux pas y arriver. Monsieur Manyanga est disposé à venir chercher son argent ici au Cameroun. Mais les 50% qu’il exige, représentent 35 millions Fcfa, c’est beaucoup d’argent. J’appelle l’ambassadeur du Cameroun au Gabon, qui me déconseille cette démarche consistant à donner de l’argent à quelqu’un dont je ne connais pas la société. Il me demande de mettre un de mes collaborateurs en mission au Gabon pour voir sur place ce que fait cette société. J’envisage donc une opération kamikaze. C’est-à-dire, on prend de l’argent dans un sac, on apporte ça chez ces gens là ; ils nous mettent les écrans géants dans l’avion et on en finit.

Le collaborateur que vous choisissez pour cette mission n’aurait pas le profil, selon certains cadres de votre ministère, qui estiment que vous avez fait confiance à quelqu’un que vous pouvez facilement manipuler et embarquer dans des transactions pas transparentes. Qu’en dites-vous ?
Quand l’ambassadeur me demande de lui donner le nom de mon collaborateur qui arrive au Gabon pour cette mission-là, je pense d’abord à Monsieur Kaptché Simo, qui est le chef de service du budget, et donc, habitué aux affaires d’argent. Mais celui-ci n’a pas de passeport. J’ai un autre collaborateur, un gars très sérieux, Coco Simo à qui je confie cette mission, puisqu’il a un passeport valide. Pour faire vite, l’ambassadeur du Cameroun au Gabon lui achète un billet d’avion en prépaid. Quant à moi, je vais prendre 35 millions Fcfa à la banque. On peut suivre ça à la trace sur mon compte bancaire. Etant donné que ce voyage n’était pas prévu dans le budget, je demande à mon directeur des affaires générales de prendre sur une caisse d’avance, je crois de la médiascopie, 500 mille Fcfa et de les donner à M. Coco comme frais de mission ; de lui remettre ensuite 240 mille Fcfa pour le remboursement du billet d’avion à l’ambassadeur du Cameroun à Libreville ; de donner 100 mille Fcfa à mon chauffeur parce que j’ai mis ma propre voiture en route ; de donner 100 mille Fcfa à mon garde de corps. Tout cela constitue les frais de missions et j’y ajoute les frais de risques. Je lui demande aussi de débloquer 60 mille Fcfa comme forfait carburant. C’est ainsi que dans la soirée, la voiture prend la route de Douala où le départ du vol était prévu. Et quelques jours après, les écrans géants étaient débarqués à l’aéroport. Ensuite, j’ai délivré 14 accréditations aux techniciens gabonais conduits par M. Manyanga lui-même. J’ai demandé ces accréditations le 14 mars 2009 à ma hiérarchie, pour qu’ils puissent faire sereinement leur travail qui s’est achevé le 20 mars 2009. Ce jour là, M. Manyanga a perçu son reliquat de 35 millions Fcfa. Lors de la décharge, j’exige qu’il me laisse la photocopie de son passeport. Ce qu’il fait. Voilà donc comment j’ai géré cet argent. Mais à écouter ce qu’on raconte à propos, je n’en crois pas mes oreilles.

Vous avez été auditionné par le directeur de la police judiciaire à Yaoundé et par le procureur de la République près le tribunal de grande instance du Mfoundi. Que vous reproche-t-on ?
On me demande pourquoi j’ai mis de l’argent public dans un compte privé. Et j’explique. C’est la principale question jusque-là. Mais je voudrais retourner cette question à mes accusateurs, dites-moi où je devais mettre cet argent ? Vous vouliez que je mette cet argent chez moi à Mendong, qui n’est pas suffisamment gardé, pour qu’on vienne trucider mes enfants avant de le voler ? Dans ce cas, on aurait même dit que j’ai détourné de l’argent en simulant un coup de vol. Au ministère où je n’ai pas de coffre-fort, ce n’était pas prudent non plus, dans un contexte d’insécurité généralisée des édifices publics. Moi je suis ministre. C’est-à-dire, je prends mes responsabilités. Et si le chef de l’Etat avait pensé que j’étais une mauviette, il ne m’aurait pas mis là. J’ai pris ma décision. Je pense que c’est celle que je devais prendre à ce moment-là. La seule question qui vaille aujourd’hui la peine d’être posée, c’est de savoir, qu’est-ce que Biyiti a fait de cet argent ?

Pouvez-vous parier que le solde de votre compte avant le virement des fonds publics est resté le même après le départ du Pape ? N’y avez-vous pas retenu une somme pour vous-même. Autrement dit, pouvez-vous affirmer que vous n’avez pas porté le doigt à la bouche en gérant ces fonds ?
Cet argent est entré dans mon compte et en est ressorti dans un intervalle de trois semaines. J’ai 4 comptes bancaires. J’en publie les numéros demain (ce lundi 27 avril 2009). Dans les quatre comptes bancaires, il y avait dix millions cent trente-deux mille six cent vingt cinq (10 132 625) Fcfa. Après le départ du pape, il y avait dans ces comptes 10 306 020 francs Cfa (dix millions trois cent six mille vingt). Le Pape ne m’a pas enrichi. Il n’y a aucun argent que j’ai distrait. Je vais même vous faire une confidence. Seuls ma femme, mon garde de corps et mon chauffeur savent que du 14 au 18 mars 2009, j’ai pris une chambre au Hilton à mes frais pour être plus prêt des théâtres où j’avais à travailler, du centre de presse au Bois Sainte Anastasie en passant par mon bureau. J’ai demandé au Hilton de me produire la facture. Elle est de six cent trente-quatre mille (634 000) Fcfa. Je l’ai et je vais la publier. Le jour où j’avais constaté que la sonorisation de la Crtv qu’on est allée acheter en Italie est déjà là, j’étais tellement content que j’ai donné 70 000 Fcfa aux techniciens qui essayaient ces équipements à la Crtv. C’était un samedi. Dois-je mettre cet argent dans les dépenses publiques liées à la couverture de la visite du Pape ? Je suis le ministre de la Communication. Je peux faire des choses. Je n’attends pas l’argent du Pape pour agir. Le chef de l’Etat me donne un budget de six milliards Fcfa que je gère rigoureusement. Est-ce compréhensible que j’attende l’argent du Pape pour me remplir les poches comme certains le prétendent ? Les gens sont entrain de monter de toutes pièces une machination grossière.

Certains de vos collaborateurs que nous avons rencontrés avant cet entretien disent que vous êtes très zélé et que vous les traitez avec du mépris. Est-ce un jugement trop dur ? Vous-y reconnaissez-vous ?
Dans le zèle oui ! Mais, le mépris, non ! Trois fois non !!! Je suis un homme qui respecte les autres. Vous avez sélectionné les personnes vers qui vous diriger. Je crois qu’il y en a d’autres aussi qui apprécient ce que je fais à sa juste valeur. Ils sont contents de la décision que j’ai prise [les récentes nominations au Mincom, Ndlr]. Mais devant leurs chefs, ils n’osent pas se prononcer. J’aime que les choses avancent. Je suis aussi pour l’équité, la justice.

Il se dit que vous avez tiré un ancien cadre du ministère de sa retraite pour venir gérer ces fonds destinés à la couverture médiatique de la visite du Pape, alors qu’au ministère il y a bien des personnes compétentes pour cela. Qu’en est-il exactement ?
Voilà un exemple patent de la désinformation qui sévit au ministère. Avant que je n’arrive au ministère de la Communication, il avait été nommé par mes prédécesseurs, directeur des médias privés et de la publicité. L’année dernière, il a été atteint par la limite d’âge. Il n’est pas seul dans ce cas. D’autres directeurs dans les services centraux et dans les centres de presse sont atteints par la limite d’âge. J’ai fait des propositions pour le remplacement de tous les collaborateurs atteints par la limite d’âge. Ces propositions de nomination ont été transmises le 5 janvier 2009 dans les services du Premier ministre pour visa. Je peux vous dire que, s’agissant des décrets, c’est le Premier ministre qui les signe. Avant de le faire, il les envoie pour visa à la Présidence. En ce qui concerne les textes que je suis habileté à signer, les services du Premier ministre mettent un visa et me les renvoient. C’est le cas pas exemple des arrêtés de nomination des directeurs et des chefs de service. Et ces arrêtés qui ont déjà reçu le visa des services du Premier ministre ont été publiés, dans l’attente de la signature des autres textes. Vous vous rappelez qu’il y a quelques semaines, votre journal a titré à la Une : “ Les nominations de Biyiti Bi Essam rejetées à la présidence de la République ”. Je ne le savais pas. Je sais que c’est encore à l’étude là-bas. Je n’ai donc pas ressuscité Mvotto Obonou. Mais je voudrais que l’on retienne qu’il n’est pas le seul directeur des services centraux atteint par la limite d’âge. Seulement, le décret présidentiel devant le remplacer est encore attendu. On a d’ailleurs dit que c’est lui qui a géré les fonds du Pape. Lorsque vous regardez la répartition qui en a été faite, où apparaît le nom de ce monsieur ?

Comment appréciez-vous la procédure judiciaire en cours contre vous ?
Elle est prématurée. Voilà ce que je dirais tout simplement. D’ailleurs, la procédure judiciaire n’est pas encore déclenchée. Actuellement, on est encore dans les auditions et les enquêtes préliminaires au niveau de la police judiciaire.

Vous étiez déjà devant le procureur. A votre avis, qu’est-ce qui a manqué jusqu’ici dans la mise en place de ce feuilleton. Croyez-vous qu’il s’agit d’une judiciarisation précoce d’une affaire qui aurait due être d’abord administrative ?
Je ne suis pas juriste. Mais en toute logique, j’aurais imaginé que mes patrons me servent une demande d’explications, en me demandant pourquoi j’ai mis de l’argent public dans un compte privé. Je leur aurais expliqué ce qui s’est passé, comme je viens de le faire avec vous, et ils auraient décidé de la suite à donner à cette affaire, qui, de mon point de vue, est une faute administrative. C’est une faute de gestion qui, en aucun cas, ne peut être assimilé à un délit ou à une intention délictuelle. Si la loi dit qu’il ne faille pas mettre de l’argent public dans un compte privé, vous savez qu’il y a la loi, mais il y a aussi l’esprit de cette loi. Et là, l’esprit de cette loi, c’est que cet argent doit être conservé pour servir l’intérêt public. Et je démontre que c’est ce que j’ai fait. On se croirait dans une comédie de Molière où on se trouve à expliquer une histoire où on n’a mis que sa bonne volonté.

Vous parlez d’une machination. Selon vous, que vous reprocheraient vos détracteurs, si vous en avez, tels que vous le laissez croire ?
On me reproche beaucoup de choses. D’aucuns trouvent que je suis trop rigoureux. Je vais vous raconter une anecdote. Quand je suis arrivé au ministère de la Communication en septembre 2007, nous étions en fin d’exercice budgétaire. J’ai pris la décision de responsabiliser tous mes directeurs. J’ai donné la signature comme on dit, à tous mes directeurs. En général, on n’a pas le souci du résultat dans les services publics. Or, je suis quelqu’un qui a le souci du résultat. A la fin de l’année, je les ai appelés, pour leur demander ce qu’ils ont fait de la signature que je leur ai déléguée. Il n’y avait pas de résultats. Je m’en fous de la gloire. J’ai été nommé par décret du chef de l’Etat. Je leur ai retiré cette signature. Ce qui n’a pas été du goût de beaucoup.

Quel est votre état d’esprit après votre audition durant plus de 3 heures de temps à la direction de la police judiciaire, et ensuite, chez le procureur ?
Je suis toujours à rechercher le crime que j’ai commis. Si le chef de l’Etat conserve la haute confiance qu’il a placée en moi, je serai encore là, et présent à mon bureau aux mêmes jours et heures que d’habitude.

Vous êtes visiblement ébranlé par cette affaire. Pourtant nous avons lu dans un journal de la place que vous étiez serein, malgré tout. Le journaliste reprenait vos propos !
Tout à fait, je suis serein. Je n’ai tué personne. J’ai peut-être commis une faute de gestion en allant mettre de l’argent public dans un compte privé. Mais j’ai expliqué ce que j’ai fait de cet argent, et les gens ont vu les résultats. Je suis serein. Maintenant, il faut reconnaître que je suis justiciable. Et si la Justice de mon pays estime que j’ai commis un délit, je suis là. Je suis un citoyen ordinaire.

Pas tout à fait, monsieur le ministre. Vous avez une dizaine de téléphones portables pour vous tout seul. C’est assez extraordinaire ça ! Est-ce un signe extérieur de richesse ?
J’ai été secrétaire général du ministère des Postes et télécommunications, et de temps en temps, les opérateurs de téléphonie m’en offraient. Ce n’est pas un signe extérieur de richesse. C’est simplement que j’aime ça.

Vous auriez pu en offrir à votre tour, pour éviter d’être encombré de la sorte. Au fait, comment utilisez-vous tout ça ?
J’en ai offert. Mais laissez-moi aussi faire ce qui me plaît. Je ne sais pas qui ça dérange que j’aie trois, quatre, cinq téléphones et même plus, comme c’est le cas en ce moment.

Ça ne vous perturbe pas dans votre travail quotidien ?
Ils ne sonnent pas tous au même moment. Depuis que vous êtes là, ça a sonné combien de fois ?

Plus d’une dizaine de fois en moins d’une heure. Ce n’est pas beaucoup ?
Ah non ! (Rire). Le téléphone est un outil de travail et de distraction. Parmi mes téléphones, il y en a un qui a sa télévision. Je dois vous avouer que je suis très amoureux des nouvelles technologies. Je voudrais être quelqu’un qui vit pleinement la société de l’information. Et je peux vous dire que la première décision que j’ai prise en arrivant au ministère de la Communication, c’était d’y mettre la fibre optique. Et j’ai déjà demandé à la direction générale de Camtel de mettre la fibre optique à la maison de la communication que je vous invite à visiter.

Quelle est l’attitude de vos proches depuis le déclenchement de cette affaire de fonds destinés à la visite papale ?
Je reçois d’eux beaucoup d’encouragements. Mon e-mail est plein de messages. Je reçois aussi beaucoup de Sms. C’est un réconfort. Je peux vous en lire un. “ Bonjour ! Je t’envoie ce Sms pour un soutien moral. Je sais tout de même que, tu es aussi intelligent que Pythagore. (…) Tiens bon. ”.

Que disent vos collègues du gouvernement ?
Il y’en a qui me demandent ce qui se passe. Puis, ils sourient. Vous savez, chacun se retrouve chez le coiffeur. (Rires)

Quelle est votre feuille de route pour les mois à venir ?
Je vais vous la faire tenir. Déjà, je peux dire en résumé que nous allons inaugurer très prochainement le centre de presse qui est un bijou architectural. Nous allons également accélérer le déblocage de l’aide publique à la communication privée.

Le montant de cette aide est jugé minable par certains patrons de presse qui l’ont toujours boudée. Ils se plaignent aussi de la répartition complaisante de cette modeste enveloppe qui fait la part belle à ces titres qui apparaissent de façon sporadique dans les kiosques, et surtout, à l’approche du partage de cet argent.
C’est vrai que l’aide publique à la presse fait l’objet de critiques diverses. C’est très important que vous voyiez un peu ma feuille de route, qui prévoit la révision à la hausse de cette enveloppe pour l’année 2009. Nous entendons aussi être plus rigoureux dans la sélection des bénéficiaires. Je discute beaucoup avec la presse privée pour qui j’ai de la considération. D’où ma récente tournée auprès de ces entreprises à Douala. Je pense très sérieusement à d’autres formes de financement des activités médiatiques, notamment la mise sur pied d’un fonds de développement des activités médiatiques. J’en ai discuté avec ces patrons de presse privée lors de ma tournée. La publicité et bien d’autres activités génèrent beaucoup de revenus. Nous pensons qu’au lieu que tous ces revenus y compris les taxes qui sont générées, soient totalement mis dans la caisse unique de l’Etat, il convient qu’on ait une partie pour aider à soutenir le développement de ces médias.

Un vœu ou dernier mot pour conclure cette interview, monsieur le Ministre ?
Je souhaite que cette campagne, ce lynchage, qui a été déclenché pour une raison que je ne connais pas, prenne fin. Et que nous nous remettions au travail. Nous sommes là pour apporter notre contribution à l’œuvre de redressement du Cameroun. Nous sommes en train de sortir d’une crise qui a duré près de vingt ans. Il y’en a une autre qui est là en ce moment. Nous devons perdre le moins de temps possible à faire de fausses querelles. Ce qui m’inquiète, c’est que parfois, certains Camerounais pensent qu’on peut développer le pays sans travailler. Et cette frange de la population, qui pense qu’on peut se développer en dormant, est assez importante. C’est ce qui nous vaut aujourd’hui d’attendre que les Thaïlandais nous envoient le riz alors que nous avons des terres, des marécages. Je dis trêve de balivernes. Remettons nous au travail !
 

Par Entretien avec Marie-Noëlle Guichi

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Norbert Braakhuis, ex-Ambassadeur des Pays-bas au Cameroun

“ Ce que je pense de Biya, Inoni, Amadou Ali,Yves Michel Fotso, Ni John Fru Ndi, Baba Hamadou… –

Nous vous proposons la seconde partie de l’entretien que nous a accordé Son Excellence Norbert Braakhuis, l’ambassadeur des Pays-Bas au Cameroun, récemment muté au Soudan. Dans la première partie publiée dans notre édition d’hier mercredi, le diplomate, dans un franc-parler rare, indiquait en substance que le « volume des fonds détournés est important » et reconnaissait que la procédure de recherche et de rapatriement de cet argent est une entreprise de longue haleine. Dans cette dernière partie, nous évoquons avec lui l’état des lieux de la coopération entre son pays et le Cameroun, la longévité du président Biya à la tête de l’Etat, la situation des droits de l’Homme et de la démocratie, etc. Sans faux-fuyants, Norbert Braakhuis se prête au jeu, n’hésitant pas à donner son avis sur certaines personnalités…

2ème partie

Dans quels domaines êtes-vous intervenus le plus dans le cadre de la coopération entre les Pays-Bas et le Cameroun ?
Assurément le secteur des investissements à travers notre banque de développement la Fmo, qui est d’ailleurs prête à se lancer dans d’autres secteurs tels que l’électrification rurale, le barrage de M’mvelé, la centrale électrique à gaz de Kribi, une nouvelle cimenterie permettant une saine concurrence, avec un produit à des prix meilleurs, de qualité très concurrentielle et en quantité suffisante. Dans le domaine portuaire, nous avons une entreprise très performante qui cogère le port à conteneur. Elle est prête à faire d’autres investissements. Il y a aussi les forestiers qui ont fait d’énormes efforts pour la certification. Mais ils sont menacés en ce moment par une politique minière qui paraît peu concertée au sein du gouvernement et qui va à l’encontre de la certification du bois et de la durabilité des investissements dans ce secteur. Dans l’ensemble, nous sommes actifs dans plusieurs secteurs tels que l’apport de capital risque dans les petites et moyennes entreprises, le renforcement des Ong de protection de la nature et de la conservation tels que l’IUcn ou le WWF.

Quel est le montant global de l’enveloppe que votre pays met annuellement à la disposition du gouvernement camerounais dans le cadre du partenariat qui vous lie ?
C’est variable. Ce que fait par exemple la Fmo est différent d’une année à l’autre. Mais ce sont des milliards et des milliards par an. Déjà, pour quelque 3 grandes Ong néerlandaises ayant des fonds de l’Etat néerlandais, nous parlons de 4-5 milliards par an.

Etes-vous satisfait du niveau d’absorption de l’aide que votre pays met à la disposition du Cameroun ?
Nous n’avons pas de problème d’absorption dans la mesure où nous n’avons pas une coopération d’Etat à Etat. Tout se passe à travers de grandes Ong et des entreprises. C’est au niveau des bailleurs de fonds, bilatéraux que le problème de l’absorption se pose, et c’est lié, en partie, à des inefficacités au niveau de l’appareil d’Etat.

Dans un partenariat, on suppose que chacune des parties profite. Que gagne votre pays à travers sa présence au Cameroun ?
Nous gagnons en stabilité régionale, un grand bien de nos jours. Je crois qu’un pays qui a un fort potentiel et qui se met à réaliser ce potentiel est un atout très important, à la fois pour les importations, les exportations et les investissements. L’Afrique, comme la Chine il y a 10 à 15 ans, commence à bouger de partout. Elle est arrivée à l’âge de la maturité économique et du développement. Pour nous tous, c’est important d’y être, quand ça se fait. Mais aussi de contribuer à ce que le contexte soit le plus favorable possible. C’est pour cela que nous sommes très présents et aidons à l’amélioration de la gouvernance. C’est un intérêt mutuel.

Quelles sont les limites de la coopération entre le Cameroun et les Pays-Bas ?
Je pense que ça se passe plutôt bien. Mais il y a bien sûr les blocages institutionnels. Si d’autres pays avancent de plus en plus vite, il ne faut pas rester à la traîne. Le Nigeria par exemple connaît une classe d’entrepreneurs qui se dynamise très vite, qui est très performante et en qui on peut faire confiance. Cela paraissait très loin il y a seulement 10-15 ans. Le Cameroun gagne à suivre ce chemin. C’est une question de volonté.

Des observateurs indiquent que le Cameroun est doté de ressources qui, bien gérées, auraient pu impulser son développement sans qu’il ait encore recours à l’aide extérieure. Qu’en dites vous ?
C’est absolument vrai. Reste à s’attaquer aux obstacles. En dehors des problèmes tels que la mal gouvernance et la corruption, il y a celui de la mentalité de beaucoup de fonctionnaires qui ne montrent pas toujours qu’ils travaillent pour le bien des Camerounais. Un fonctionnaire, c’est quelqu’un qui est payé par le peuple à travers les impôts et prélèvements, pour faire fonctionner le pays. C’est une très grande responsabilité. Quand un fonctionnaire entre dans son bureau, il est là pour servir les Camerounais, jusqu’à ce qu’il en ressorte. Les Camerounais ne sont pas là pour le servir.

Selon vous, le Cameroun est-il un pays de démocratie ? Les règles d’un état de droit y sont-elles respectées ?
Le Cameroun est un pays de plus en plus développé dans ce domaine. Qu’est ce qu’on trouve à la base de la démocratie ? Les libertés. Ce qu’il y a de très intéressant, c’est que le pays produit depuis 2 ans des rapports annuels sur l’avancement de la gouvernance et de la démocratie. Ça traite de ce qui va, mais aussi de ce qui demande des améliorations. Si on fait d’abord son propre examen de conscience, on est déjà sur le chemin de l’amélioration. Autre chose, ici, la presse est très variée. Même si elle est parfois payée pour publier ce qu’elle publie. Quasiment aucun journal n’est à l’abri de ces pratiques. Vu la situation précaire qui prévaut, on arrive parfois à les comprendre.
Vous faites là une déclaration très grave !
Je ne répète que ce que vos confrères m’ont dit, et en qui j’ai confiance. Malgré cela, il y a beaucoup d’informations parfaitement crédibles. Il y a, en plus, une population qui est de plus en plus consciente de ce qui se fait autour et qui, de par la variation des informations, se fait son opinion propre. C’est un préalable à tout effort démocratique. Qu’on juge soit même, qu’on ne suive pas simplement des ordres. Dans ce sens, les bases démocratiques se sont développées durant ces 10 dernières années, et de manière plus rapide encore durant les 3 années que je viens de passer au Cameroun. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est cette évolution rapide. Est-ce que le système politique évolue à la même vitesse ? On voit un peu partout dans le monde, qu’un électorat ou un citoyen informé évolue plus vite que ceux qui gouvernent. Ce qui est illustratif pour ce développement, c’est que même à l’intérieur des partis, les vieux chefs ne sont plus inamovibles. C’est un phénomène de maturité politique, qu’on ne peut plus ramener en arrière. Ce phénomène est porteur de démocratie. Le fait qu’un gouverneur de Douala interdise des réunions de plus de trois ou quatre personnes, et qu’il soit obligé de lever cet interdit est en soit encourageant. Le chapeau de plomb qu’il y a eu à l’époque d’Ahidjo serait très difficile voire impossible à imposer aujourd’hui. Cette évolution vers plus de liberté et de démocratie, est quelque chose qui accompagne aussi la croissance. Parce que des gens qui se sentent entendues et peuvent dire ce qu’ils veulent, sont plus capables d’accomplir un changement. Et des gens informés obligent à plus de transparence, de contrôle sociopolitique.

Vous avez cosigné, en 2007, avec les ambassadeurs des Etats-Unis et de Grande-Bretagne, une déclaration dans laquelle vous constatiez des irrégularités dans le déroulement des élections municipales et législatives. Après cette sortie, le gouvernement Camerounais vous a accusé d’avoir outrepassé votre rôle de diplomates, tenu à la réserve. Avez-vous regretté votre initiative ? Etes-vous prêts à recommencer ?
Ce que nous avons dit, c’est ce que tout le monde a observé. On a autorisé logiquement la présence d’observateurs internationaux. L’annonce de nos conclusions a mis du temps, parce qu’il y avait des centaines de formulaires à dépouiller. Ça aurait été une anomalie de ne rien dire, personne n’aurait compris ça. Les ministres de la communication et des affaires étrangères nous ont fait quelques remontrances, mais ils ne sont plus là. Le président a, je pense, compris ce que nous avions voulu dire, dans un esprit d’appui au changement. L’Etat a depuis pris les devants et est en train de regarder de très près ce qui peut être changé dans le domaine des élections. Promouvoir l’inscription massive sur les listes électorales, l’éducation civique, c’est quelque chose qui doit et peut être rapidement mise en place. Si des personnages forts et impartiaux sont nommés à la tête de l’Elecam, ça devrait être un instrument très intéressant. Il faudra assurer la neutralité de l’administration, notamment le Minat, dans l’administration du processus électoral.

Donc, s’il y avait à recommencer, vous n’hésiteriez pas à sortir une autre déclaration incendiaire ?
Ça dépend des circonstances. Si les circonstances se répètent, alors il faudrait qu’on se concerte encore plus pour s’assurer d’une bonne déclaration. C’est tout à l’honneur du gouvernement que d’inviter les diplomates et d’accepter ensuite qu’ils dressent un bilan public, transparent. Il ne faut pas que leurs recommandations atterrissent dans un tiroir qui ne s’ouvrira plus jamais. Ce ne serait pas au bénéficie du gouvernement, des Camerounais, ni d’ailleurs des partis politiques qui sont dans l’opposition ou au pouvoir.

Pendant votre séjour au Cameroun, avez-vous effectué une visite dans les prisons ? Si oui, comment les avez-vous trouvées ?
Non !Je n’ai pas eu l’occasion de le faire. Mais je l’ai fait dans d’autres pays. C’est rarement réjouissant et pour ce que je sais d’ici, ce n’est pas beaucoup mieux que ce que j’ai vu au Kenya, en Bolivie ou ailleurs. L’Union européenne, à travers la Commission européenne travaille fortement pour l’amélioration du système carcéral : accélération des jugements ; diminution des encarcèlements innécessaires ; etc. On a vu le désastre de la prison de Douala, qui s’est soldé par une dizaine de morts. Je crois que c’est en même temps un appel pour des prisons plus adaptées aux conditions modernes et à des droits de l’Homme, y compris pour les prisonniers.

La situation des droits de l’Homme au Cameroun est-elle acceptable ?
Des choses restent à parfaire dans ce domaine. J’ai parlé il n’y a pas longtemps du cas Danpullo Baba et des exactions contre les Bororos. Selon les informations dont nous disposons, et qui ont été portées depuis longtemps à l’attention des autorités, des habitations ont été détruites, des filles mariées de force, des gens emprisonnés avec des complicités au sein des autorités locales voire à des niveaux plus élevés. Tout porte à croire que la décision a été prise d’en finir avec cette impunité. C’est très encourageant. Autre abus à dénoncer, c’est ce qui est arrivé après l’interview que j’ai accordée à Détective il y a quelques jours. Le rédacteur en chef de ce journal s’est vu interpellé, anonymement bien sûr parce lâchement, par des gens qui se disaient de la Dst (Direction de la sécurité du territoire, Ndlr). Je pense que le Cameroun n’est plus à l’heure de ce genre d’action. Ça va à l’encontre de la liberté de la presse, de la liberté d’expression et des droits de l’Homme. Ces gens-là se sont carrément trompés de cible, on se demande pourquoi ils n’ont été révoqués immédiatement, ainsi que celui qui les a payés pour le faire, ou qui les a amenés à faire ça. Il faut que les sbires qui osent faire ce genre de chose soient au plus vite arrêtés. C’est un appel à la fois à la Dgsn et aux services de sécurité de l’Etat de détecter en leur sein ces mauvais éléments.

Comment appréciez-vous le paysage médiatique Camerounais ?
Il y a un foisonnement de journaux dont certains sérieux comme Le Messager et certains beaucoup moins sérieux, et qui sont plutôt des pamphlets parfois à la solde de ceux qui veulent bien payer. De l’autre côté, il est nécessaire que, chaque fois que des choses publiées sont dénuées de tout fondement, les gens qui sont concernés, aient des recours. Seulement, il faut que ces recours soient traités en justice.

Que pensez-vous du chômage des jeunes ?
Il ne s’explique pas et ne peut pas être acceptable. Il y a trop de jeunes qualifiés pour que ça se passe ainsi. Il y a des solutions qui peuvent contribuer à résoudre ce problème. On a déjà parlé de gouvernance. Il faut aussi penser à l’intégration régionale où le Cameroun sera grand gagnant et dans son sillon, les pays alentours aussi. Ça ferait un marché beaucoup plus grand et intéressant pour les investisseurs nationaux et internationaux, augmentant la quantité de production, faisant baisser les prix. Pour cette intégration régionale, le Cameroun devrait être chef de file. D’autre part, le chômage peut être résorbé à condition qu’on relance le secteur privé, le vrai créateur de richesse. Pas le secteur informel qui ne fait que subdiviser la pauvreté à une grande échelle. Il faut aussi regarder de près les tontines qui, dans les années 60 à 70, étaient des instruments de solidarité. Aujourd’hui, en prêtant à des gens à des taux extrêmement élevés, 10, 15 voire plus de pourcents par mois, on ne peut plus parler de solidarité. En plus, il n’y a pour ainsi dire aucun contrôle dans ce secteur, contrairement à celui des banques. Ce capital qui renfloue les tontines met même en danger le système bancaire puisqu’il s’agit d’épargne à moyen terme qui devrait permettre aux banques de baisser leur taux d’intérêt. Donc, ce système est devenu contreproductif.

Comment appréciez-vous la classe politique camerounaise en général et l’opposition en particulier ? Amorphe ? Sclérosée ? En panne d’inspiration ?
La classe politique évolue au fur et à mesure que la démocratie s’approfondit. La classe politique est aujourd’hui devant un choix de mutation important. Très souvent, les partis politiques dépendent d’un seul homme. Les partis ont besoin de proposer des projets de société cohérents au lieu de rester avant tout les instruments d’une montée socio-économique privée. Certains comprennent la nécessité de cette mutation qui correspond à une plus grande maturité citoyenne, entre autres au sein de Rdpc, mais ce n’est pas gagné d’avance ! Ce dont le Cameroun me paraît avoir besoin dans cette période d’assainissement, de redémarrage, c’est que les partis politiques continuent leur mue, y compris dans l’opposition qui n’a pas toujours été à la hauteur des changements proclamés. Il faut avoir une vision stratégique, des adhérents qui se retrouvent dans ce projet, et qui ne se fassent pas manipuler à des intérêts particuliers.

Comment vous trouvez la société civile au Cameroun ?
La société civile n’est elle-même pas immunisée contre la mal gouvernance. Là encore, c’est important de faire la différence entre celui qui est sérieux et celui qui ne l’est pas. On a par exemple pu constater que certaines Ong appartiennent à des hommes et femmes politiques, étant plutôt destinées à drainer de l’argent, mais il y en a aussi qui travaillent très bien. On trouve partout des gens courageux, valables, motivés.

Quelle analyse faites-vous du long règne du président Paul Biya à la tête de l’Etat ?
Je poserais la question différemment. Si un président ou Premier ministre gère bien les affaires du pays, impulse le développement, qui ne serait heureux de le réélire pendant de longues années ? Bien entendu, il faut que le système électoral fonctionne correctement, à travers la transparence et des règles démocratiques appliquées à tout le monde, avec donc une vraie chance pour l’opposition. Si on met en place tout cela, ce n’est pas la question de la durée du mandat du président, de sa pérennité qui doit préoccuper, mais celle de l’efficacité, de la crédibilité dans l’exécution de son mandat.

On a vu dans ce pays des intellectuels apporter une motion de soutien au président de la République après une réélection controversée. Qu’en pensez-vous ?
Vous êtes dans un pays où des gens peuvent s’exprimer librement. Si un intellectuel a envie de faire ce choix-là, qu’il le fasse. C’est lui qui en est responsable. Si un autre intellectuel décide de faire le contraire, c’est pareil. Mais, je ne vais pas me mettre dans la peau de quelqu’un d’autre. C’est à eux de juger et c’est à eux de s’exposer pour être jugés pour leur opinion. Ça fait partie de la vie d’un intellectuel.

Que pensez-vous de la fuite des cerveaux en quête d’un avenir meilleur à l’étranger ?
Une bonne partie de camerounais compétents est allée exercer ses compétences à l’étranger. Ils ont une grande envie de retourner au pays. J’en connais qui sont retournés au pays. Il y en a aussi qui sont venus me voir frustrés parce qu’ayant perdu leurs investissements, en se rendant compte qu’ils étaient floués. Il faut rendre le climat de retour attrayant. C’est énorme de voir à quel point les Camerounais de la diaspora sont désireux de retourner. Mais aussi à quel point ils sont prudents, connaissant mieux que quiconque les obstacles qu’ils vont rencontrer.

Les Pays-Bas sont-ils une destination très sollicitée par les Camerounais ? Si oui à quelle proportion par rapport aux autres pays occidentaux ?
Pas mal de Camerounais y vivent. Vous Il sont bien entendu davantage portés vers la France, la Suisse, la Belgique, les pays francophones, le Canada, voire vers un pays comme les Etats-Unis. Les Pays-Bas sont moins bien connus. L’ouverture de notre ambassade devrait aider à changer cela.

Pouvez-vous nous donner les statistiques sur vos compatriotes qui résident au Cameroun ?
Entre 120 et 150.

Vous allez me permettre de citer quelques noms de personnalités au hasard et vous me dites ce que vous en pensez.

Baba Hamadou
Ce qui est important, c’est de regarder de près ce qui se fait en matière de droits de l’homme, que la justice s’y intéresse rapidement. Il faut veiller à l’image du Cameroun.

Hazim
Depuis plus d’un an déjà, on constate que le dossier pénal concernant les coupes de bois illégales massives qui lui sont reprochées traîne au niveau de la Cour Suprême. Je sais que suffisamment de travail a été fait pour passer rapidement au jugement, dans un cas où l’Etat, donc le peuple camerounais, a été lésé gravement. On se pose la question si cette lenteur est involontaire, connaissant l’histoire de ce dossier. Mais volontaire ou involontaire, cette situation ne devrait plus durer. Il y a eu un jugement de la chambre administrative de la Cour suprême qui laisse perplexe. Comment tout cela a-t-il été possible ? C’est attristant, et dur à avaler. Le “ Groupe des 8 + 6 ” a adressé à plusieurs reprises des lettres au Premier Ministre à propos de ce dossier brûlant. On nous a répondu que le cas serait traité avec la plus grande célérité. On attend toujours, avec impatience, le jugement de la Cour suprême. On s’interroge sur les véritables raisons qui ont bloqué la procédure pénale.

Amadou Ali
Je crois qu’il abat un travail énorme dans le cadre de l’opération épervier, pour faire constituer des dossiers sérieux, solides. C’est quelqu’un dont je connais la volonté d’aller de l’avant. Mais à la fin, c’est bien entendu aux juges de se prononcer. Il est important que le ministre ait les moyens pour continuer son travail.

Ephraim Inoni
C’est un Premier ministre qui a toujours été à l’écoute, très ouvert. Il me semble par ailleurs qu’en règle générale, la Primature a besoin, dans le cadre aussi de l’évolution de la gouvernance, de pouvoirs accrus pour mettre en place et exécuter la politique gouvernementale. Je crois qu’il y a une réflexion dans ce sens en cours, c’est très important. Je pense qu’une répartition plus claire des responsabilités, entre présidence et gouvernement serait bénéfique aux actions gouvernementales. La Primature gagnerait en capacité d’exécution en ayant des droits accrus vis-à-vis de ses collègues au gouvernement.

Paul Biya
Il est conscient de la nécessité du changement, c’est clair. Tout comme il est clair qu’il pousse personnellement aux changements, comme on est dans un système présidentiel. Cela veut dire qu’il mesure ce qui doit se faire, l’importance d’être à l’écoute du peuple. Il utilise de son poids pour pousser l’équipe gouvernementale pour que ça change plus vite et pour que les assainissements nécessaires se fassent. C’est absolument crucial pour le peuple camerounais, le fonctionnement du gouvernement, l’administration.

Yves Michel Fotso
On spécule beaucoup sur lui ces jours-ci. Je crois qu’il faut laisser à la justice le soin de se prononcer sur la base des documents. Vous voulez évoquer Albatros, Camair. On attend la justice. Et non pas avec la lenteur d’un cas Hazim s’il vous plait.

Ni John Fru Ndi
J’ai parlé de la mue des partis. C’est valable pour tous. Et je crois que c’est valable aussi pour le parti de Fru Ndi. Là encore, les projets de société ne sont pas suffisamment clairs, l’adhésion se fait auprès des personnes et non du projet. Ils sont trop souvent amenés à lancer des mouvements d’humeur et pas assez souvent des propositions cohérentes, concrètes. De l’autre côté, je pense qu’il est important que des élections transparentes donnent une vraie chance à tout le monde, sans exception.

A votre avis, le conflit frontalier Cameroun-Nigeria au sujet de Bakassi est-il une affaire close aujourd’hui, avec le retrait des troupes nigérianes et la rétrocession récente de la péninsule au Cameroun ?
Bakassi est une région limitrophe du Nigeria où ça bouge beaucoup. C’est une région qui ne sera donc peut-être pas toujours parfaitement tranquille. Mais le conflit en tant que tel paraît bien clos.

Un vœu pour conclure cet entretien ?
Mon vœu est que les camerounais ordinaires sentent le plus vite possible que les changements leur apportent de nouvelles chances. Qu’on voie l’amorce du retour de ceux qui sont allés à l’étranger. Donc que tout ce qui a été mis en marche et qu’on a essayé d’appuyer aboutisse. Que le Cameroun trouve le rôle de leader qui est le sien.

(Suite et fin)
 

Par Entretien avec Marie-Noëlle Guichi

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