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Cameroun :Les enjeux de la programmation télé à l’heure du numérique

Que doivent faire les télés camerounaises pour recruter ou fidéliser les téléspectateurs? Comment composer avec les réseaux sociaux qui sont aujourd’hui un média à part entière? –

 Il est loin le temps où l’on regardait Cameroon Televison (CTV) comme on assiste à une réunion de famille. Papa, maman et les enfants agglutinés quasi-religieusement, devant l’unique petit écran à tube cathodique de la famille. C’était l’âge d’or de la télévision camerounaise, l’époque où le téléspectateur lambda connaissait la grille de programmes par cœur tellement les émissions et les présentateurs lui étaient familiers. Il pouvait, de mémoire, indiquer le jour et l’heure de passage de Regards sur le monde; Minute By Minute; Télé-podium ou autre dance Cameroun dance, autant d’émissions célèbres. Aujourd’hui, cette époque est révolue et les choses ont complètement changé. La concurrence du câble et du satellite ainsi que l’arrivée des chaines hertziennes privées camerounaises sont passées par là. Avec le développement du numérique couplé à l’avènement de la Télévision Numérique Terrestre (TNT), on a franchi un nouveau cap et plus rien ne sera plus comme avant.On ne regarde plus une télé, mais un programme.

La révolution numérique en cours a apporté plus de promesses. Promesses de quantités: plus d’écrans connectés en même temps, plus de chaînes de télé disponibles, plus de réseaux de diffusion; promesses de qualité: meilleur son, image en Haute Définition-HD, bientôt en 3D; promesse de mobilité: lecteur DVD portable, smarts-phones, tablettes; promesse d’interactivité: vidéos sur Internet, Publicité interactive, etc. Désormais, nous vivons dans un environnement multi-écrans. A côté du traditionnel écran télé se sont ajoutés plusieurs autres écrans: ceux du smart phone, de l’ordinateur, de la tablette, etc. Avec l’avènement du numérique, les pratiques de visionnage ont changé. Avant, on regardait une chaine de télévision dont on connaissait parfaitement la programmation. A nos jours, on regarde plutôt un programme, lui-même devenu une marque numérique. On peut en conclure dans ce contexte du tout numérique que la programmation, entendue comme l’ensemble des éléments ou contenus de diffusion produits ou acquis, assemblés et alignés pour meubler l’antenne d’une chaine de télé (émissions de divertissements, films, séries télévisées, rencontres sportives, évènementiels, etc.) est son centre névralgique. C’est elle qui assure les recrutements, garantit la fidélisation ou provoque la sortie des téléspectateurs. Dans un environnement où le multi-tasking (multi-tâches) est devenu la norme (pendant que je rédigeais cette contribution sur mon ordinateur, je regardais un programme télé sur mon écran plat en même temps que j’échangeais sur Whatsap à partir de mon smart-phone), que doivent faire les télés camerounaises pour recruter ou fidéliser les téléspectateurs? Comment peuvent-elles limiter la pratique du zapping? Comment composer avec les réseaux sociaux qui sont aujourd’hui un média à part entière créant de nouvelles habitudes de consommation médias?

Les challenges de la programmation télé au Cameroun

La plupart des éditions des journaux télévisés camerounais du lundi 5 octobre 2015 ont démarré par un reportage sur les cérémonies d’installation des ministres récemment nommés. Ce qui était le minimum par rapport à l’actualité du moment. Seulement, à l’exception de CRTV, les autres rédactions ont expédié le sujet dans un seul papier de forme, avant de passer à autre chose. Seule la télévision nationale a consacré plus de temps avec notamment un reportage sur les installations et deux autres de fond. Elle a assurément eu une durée d’écoute plus longue que les autres télés ce soir là. Au regard de cet évènement tant attendu, comment comprendre qu’aucun organe de télé n’ait fait un programme spécial au vu du buzz et de l’intérêt que suscitent généralement les remaniements au Cameroun? N’est-ce pas là une opportunité manquée pour certaines chaines camerounaises de supplanter leurs concurrentes ce soir là? Déjà, le jour du remaniement ministériel (vendredi 02 octobre 2015), dans un post publié sur sa page Facebook, la journaliste Marion Obam s’interrogeait en ces termes: “pourquoi les télés camerounaises ne font pas de breaking news sur le réaménagement du Gouvernement”. Il aura fallu plus de 15 minutes après la finale de l’Afro-basket dames diffusée par CRTV pour que la télévision nationale lance son journal du soir (prévu normalement à 20h30, mais décalé pour cause de finale afro-basket), édition qui aura certainement battu des records d’audience compte tenu de l’actualité. Cependant, cette audience aurait pu être plus grande encore si l’attente (trop longue pour une heure de Prime Time) avait été meublée par un programme de qualité. Malheureusement, la télévision nationale n’a diffusé que des images de calage sans grand intérêt. Pendant cette attente, que pensez-vous que les téléspectateurs ont fait? Une bonne partie d’entre-eux est certainement allée voir ailleurs.

Les exemples ci-dessous montrent que la programmation télé au Cameroun est hésitante, balbutiante et il ne faut pas être un programmateur expérimenté pour le constater. De nombreuses insuffisances apparaissent autant sur la forme que sur le fond. Au niveau du fond par exemple, l’on constate une trop grande propension à la promotion des programmes de flux au détriment des programmes de stocks. Les programmes de flux ne sont diffusés qu’une seule fois, car la valeur du programme est consumée à la première diffusion. On peut ainsi relever pour le regretter, une forte propension aux débats à l’antenne ainsi qu’aux programmes de plateaux. Au moment où smart-phones, tablettes et réseaux sociaux bouleversent les habitudes et changent les paradigmes, et dans un contexte de rude concurrence et d’exigence grandissante du téléspectateur, les chaînes locales n’auront pas d’autre choix que de se réinventer pour survivre, de s’adapter pour ne pas disparaître. Il s’agira donc de s’arrimer aux normes de la profession afin d’assurer une durée d’écoute supérieure à la moyenne, d’attirer un nombre plus important de téléspectateurs au cours d’un programme, de réussir une alchimie entre les programmes en vue d’offrir une grille d’antenne cohérente et lisible et de créer une préférence pour les programmes de la chaîne.

Pour y arriver, les télévisions locales devraient revenir aux fondamentaux. La première chose à faire serait de chercher à mieux connaître leurs publics. Connaître son public ou son audience permet de travailler à la cohérence éditoriale, ce qui donne des repères faciles tout en exprimant les valeurs de la chaine aux publics de référence. Une fois leurs publics connus, les télés locales devraient travailler leur positionnement par rapport à la concurrence. Comment veulent-elles être perçues? Quelle est leur identité? Tout le monde ne peut pas faire la même chose et on ne peut se permettre de changer de positionnement en fonction de l’actualité, des évènements ou des programmes. Parlant de programmes, les télés locales devraient faire un effort de multiplication des programmes de stock. Ils ont la particularité de se rediffuser sans perdre leur intérêt. Leur valeur patrimoniale restant intacte après leur première diffusion à la fois pour la chaîne et pour le téléspectateur.

Penser transmédia ou multimédia

L’heure de la programmation linéaire, c’est à dire celle qui consiste à ne considérer comme concurrents que les autres chaines télés, est révolue. Nos chaînes locales devraient intégrer la concurrence née de l’apparition des nouveaux modes de diffusion et de consommation afin de donner une vie numérique au programme. Pour réussir ce pari, il faudra notamment penser transmédia et interactivité. Les chaines locales devront ainsi travailler au ” prolongement de l’antenne” à travers les opportunités qu’offrent les tablettes, smart-phones ou ordinateurs. Cela passe par exemple par l’intégration des applications mobiles qui permettent d’interagir. En cela, l’apparition de la 3G et bientôt de la 4 G devraient fortement améliorer la connectivité et la vitesse de navigation. En intégrant également le replay dans leur stratégie, les télés locales permettront aux télespectateurs instables de ne pas louper leurs programmes, ce qui leur garantirait une vie au delà de la diffusion télé.

En conclusion, il faudra se remettre en question et prendre des risques; anticiper sur la concurrence; rechercher la cohérence de grille dans la programmation; respecter scrupuleusement les horaires; tenir compte du contexte réglementaire et enfin penser multimédia.

Par Jean Paul Tchomdou*

* Expert Communication-Producteur audiovisuel 
http://mutations-online.info/

Written by MagCamerfeeling

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